France, Italie, Etats-Unis, Sibérie, Espagne… Partout dans le monde, des incendies dévastateurs balayent des centaines d’hectares de végétation. S’ils sont pour la plupart d’origine humaine, le changement climatique les favorise en provoquant des épisodes de sécheresse et des températures anormalement élevées.
Les inondations qu’ont connu l’Europe et la Chine ces derniers jours semblent bien constituer une preuve incontournable des effets du changement climatique. Les incendies exceptionnels qui se déclenchent partout dans le monde depuis quelques semaines en constituent une autre.
Des incendies violents en Europe et aux Etats-Unis
Plusieurs pays d’Europe ont été confrontés à des incendies qui ont ravagé des centaines d’hectares de végétation. En France, un feu s’est déclaré vers 13h samedi 24 juillet dans l’Aude, avant de s’étendre rapidement dans la montagne d’Alaric. Il a brûlé près de 850 hectares de végétation. Début juillet, près de 300 hectares de forêt avaient déjà brûlé dans le massif de la Clape, près de Narbonne-Plage.
En Italie, dans l’île de la Sardaigne, des feux se sont déclarés ce 24 juillet dans la province d’Oristano. Ils ont détruit plus de 20 000 hectares de forêt, d’oliveraies et de culture. Le feu fait toujours rage localement. Un autre incendie a ravagé 415 hectares du parc naturel du Cap de Creus, en Catalogne. Il est survenu le week-end du 17 juillet.
Les Etats-Unis sont aussi frappés par de violents feux. Depuis qu’il s’est déclaré à la mi-juillet, le « Dixie Fire » est devenu le plus gros incendie de l’histoire de la Californie. Il a déjà dévoré une surface de végétation équivalente à la ville de Chicago. Dans l’Oregon, le « Bootleg Fire » a brûlé en deux semaines l’équivalent de la ville de Los Angeles en végétation et forêts. Au Canada, la province de l’ouest a décrété l’état d’urgence mardi 20 juillet. La région de la Colombie-Britannique compte près de 300 feux de forêt actifs. Enfin, en Sibérie, 1,5 million d’hectares de forêt sont partis en fumée en l’espace de deux mois.
Des vagues de chaleur exceptionnelles
La plupart des départs de ces feux sont d’origine humaine. Dans l’Aude, les autorités soupçonnent un jet de mégot comme point de départ. En Espagne, elles en sont certaines. Du côté de l’Italie, il est encore trop tôt pour déterminer l’origine de l’incendie. Aux Etats-Unis, la chute d’un arbre aurait provoqué le « Dixie Fire ».
Mais partout dans le monde, les scientifiques s’accordent à dire que le changement climatique favorise ces incendies. En provoquant des vagues de chaleur extrême et des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, la période pendant laquelle des feux peuvent se déclarer s’allonge d’année en année. Entre la fin juin et le début juillet, plusieurs vagues de chaleur ont touché l’Ouest des Etats-Unis et le Canada. Les scientifiques du World Weather Attribution avait estimé que la première vague de chaleur survenue fin juin aurait été « presque impossible » sans le changement climatique causé par les humains.
La sécheresse facilite les incendies
Sur son site, Météo France explique comment le changement climatique facilite ces incendies. « Des températures plus élevées favorisent la transpiration des plantes et la diminution de l’eau contenue dans les sols. La végétation s’asséchant, le risque de départ de feu est plus fort. La quantité de combustible disponible une fois l’incendie déclaré augmente également. Sur certaines régions, le changement climatique devrait également entraîner une baisse de la pluviométrie durant les saisons propices aux incendies, aggravant le phénomène. »
Dans un rapport gouvernemental publié en 2010, des chercheurs ont simulé l’évolution des feux de forêt jusqu’à l’horizon 2100. Ces simulations ont montré une évolution constante de la fréquence des jours présentant un danger météorologique de feux de forêts. Elles ont aussi mis en lumière un allongement de la saison propice aux incendies. Elle débuterait plus tôt au printemps, et terminerait plus tardivement en automne.
L’ouest américain touché par les « pyrocumulus »
Dans l’Oregon et la Californie, les incendies sont si importants qu’ils ont créé ces derniers jours des nuages appelés « pyrocumulus ». Ces nuages se forment lors de feux de forêt ou d’éruptions volcaniques. Ils provoquent des vents violents qui peuvent favoriser l’expansion de l’incendie original. Ils génèrent également de la foudre, qui peut provoquer de nouveaux départs de feux.
Début juillet, un pyrocumulus s’était formé en Colombie-Britannique suite aux incendies exceptionnels qui touchaient la région. Le Réseau nord-américain de détection de la foudre avait enregistré 710 177 occurrences de foudre dans la région en Colombie-Britannique. Plus de 112 000 de ces occurrences avaient touché le sol. A mesure que les incendies gagneront en fréquence et en intensité du fait changement climatique, ce phénomène risque de se multiplier.
En Sibérie, la crainte du dégel
En Sibérie, des températures anormalement élevées ont aussi été enregistrées. Dans la ville de Iakoutsk, considérée comme l’une des plus froides au monde, la température passe largement en dessous des -30°C en hiver. Mais en juin dernier, les maximums y étaient supérieurs à 34°C. « Nous vivons l’été le plus chaud, le plus sec depuis que l’on a commencé à effectuer des mesures météorologiques, à la fin du XIXème siècle », a déclaré Aisen Nikolaev, le chef du gouvernement de la région de Yakoutie, interrogé par The Moscow Times.
En deux mois, 1,5 millions d’hectares de forêt ont disparu sous les flammes dans la région. Ces incendies sibériens associés à la canicule font craindre une accélération du dégel du permafrost et des tourbières. Cette accélération pourrait provoquer une augmentation considérable des quantités de gaz à effet de serre émises par les plantes gelées. Ce qui provoquerait une libération du carbone stocké dans la toundra gelée.
Les incendies ont déjà rejeté l’équivalent de 150 mégatonnes de dioxyde de carbone dans l’air. Mercredi 21 juillet, AirPlume Labs, qui mesure la qualité de l’air dans le monde, a noté que l’indice de qualité de l’air était de 644 à Iakoutsk, ce qui signifie que la pollution a des effets immédiats sur la santé. A titre de comparaison, la qualité de l’air à Paris était de 38.
La multiplication d’événements météorologiques extrêmes partout dans le monde ces dernières semaines fait écho aux prévisions du GIEC, le groupe d’experts climat de l’ONU. Dans un rapport apocalyptique qui a fuité dans la presse le 23 juin, il alertait justement sur l’augmentation de ces phénomènes en raison du changement climatique.
Jérémy Hernando