Cyril Dion, garant de la Convention Citoyenne pour le Climat nous livre son analyse alors que le projet de loi Climat arrive à l’Assemblée nationale. Face à une convention trahie, la stratégie est désormais multi-dimensionnelle pour obliger l’Etat à agir. Entretien.
Depuis des mois, des ONG et Cyril Dion, « garant » de la Convention citoyenne pour le climat, alertent sur le manque d’ambition du projet de loi Climat et Résilience issu des travaux des 150 citoyens tirés au sort. Alors que le texte arrive en débat à l’Assemblée nationale ce lundi, Cyril Dion nous explique comment il vit ce moment clé et ce qu’il en attend. Nous l’avons rencontré à l’arrivée du cortège de la marche pour le climat parisienne ce dimanche.
Natura Sciences : Après les échanges houleux avec Emmanuel Macron, quelle est votre position alors que le texte commence son examen dans l’hémicycle ?
Cyril Dion : Le texte n’est pas à la hauteur ni de ce que les citoyens ont proposé ni de ce qui serait nécessaire pour respecter les objectifs que la France s’est donnés. On est là pour demander à ce que les parlementaires fassent leur travail et renforcent l’ambition de cette loi. Ça me parait juste être tellement logique qu’on ne comprend pas très bien pourquoi on a besoin de faire autant de bruit pour demander ça.
Avez-vous l’impression que la Convention citoyenne a été trahie ?
La Convention citoyenne a été trahie dans la mesure où le Président de la République s’était engagé à reprendre sans filtre toutes les propositions qui allaient suffisamment loin qui étaient sous forme de loi et les transmettre telles quelles au Parlement. Et ce n’est pas ce qu’il a fait.
Les mesures ont été énormément amoindries, a priori à cause d’une offensive des lobbies en règle pendant un certain nombre de mois. C’est un problème démocratique ça. Théoriquement, il faudrait que l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers et là on a plutôt l’impression que ce sont les intérêts particuliers qui ont été écoutés.
Quand vous avez accepté votre rôle de garant Cyril Dion, vous imaginiez en arriver là ?
Oui. On sait bien que quand on rentre dans une négociation avec des responsables politiques, il y a toujours un rapport de force. Et là, ce rapport de force il était évident qu’il allait intervenir à partir du moment où les propositions allaient être plus précises. Voilà, on y est ! Ceci dit, ce n’est pas complètement négatif parce qu’on s’est mobilisé pendant 2 ans et demi et enfin on a un texte au Parlement pour une loi Climat.
Donc même si cela ne permet de sécuriser que la moitié de l’objectif, c’est mieux que zéro. Étant donné que l’on n’a pas des lois Climat toutes les 5 minutes, on veut absolument qu’elle soit la plus ambitieuse possible parce que voilà, le réchauffement climatique est en train de s’accélérer et qu’on ne négocie pas avec le climat. Ce n’est pas juste une posture politique à adopter.
Le message des marches est « Non à une demie loi Climat, pour une vraie loi Climat ». Faut-il quand même mieux une demie loi Climat que pas de loi Climat du tout?
Oui, je pense qu’il faut mieux une demie loi Climat que pas de loi Climat du tout. Mais il faut mieux une vraie loi Climat qu’une demie loi Climat (Rires). Et c’est ça qu’on demande aujourd’hui. Il y a un consensus dans la société sur le fait qu’il faut agir. Tous les organismes officiels disent que la loi n’est pas à la hauteur, même les députés ont essayé de la rendre plus ambitieuse avec 5.300 amendements donc je veux dire, il faut y aller maintenant. Il faut le faire, il faut arrêter de tergiverser.
C’est la dernière grande loi Climat et même la dernière grande loi possible pour atteindre les objectifs climatiques de la France. Que faire pour convaincre les politiques à vraiment agir ?
Le but est d’avoir une stratégie mufti-dimensionnelle. On attaque l’Etat en justice avec l’Affaire du siècle. Il y a eu l’Affaire du siècle, le Conseil d’Etat, les marches pour le climat et les mobilisations. En plus, il y a tout le travail de lobbying auprès des parlementaires, car il faut un lobbying d’intérêt général face au lobbying d’intérêts privés.
Parallèlement, il peut y avoir de la désobéissance civile. Et il peut y avoir des gens qui vont plus loin. Certains vont jusqu’au sabotage comme cela a pu être le cas avec les suffragettes ou avec un certain nombre de mouvements, notamment le mouvement des droits sociaux. Il faut faire tout ce qu’on peut. Il faut que l’on se rende compte que l’on ne peut pas se contenter de faire la moitié du boulot. Le problème est trop grave et la dégradation est trop rapide.
Propos recueillis par Matthieu Combe