En marge de la COP26 à Glasgow, les manifestations se multiplient. Ce vendredi 5 novembre, l’une d’entre elles était organisée par le mouvement Fridays for future. Aux côtés des adolescents et des autochtones, se dressent des enfants. Le temps d’une matinée, ils désertent les bancs de l’école pour témoigner de leur inquiétude. Avec simplicité et détermination, ils expliquent à Natura Sciences les raisons de leur mobilisation. Reportage.
Ce 5 novembre à Glasgow, le froid est piquant. Les feuilles mortes gorgées de pluie jonchent les allées du parc Kelvingrove. Pourtant, à 11 heure du matin, des centaines de personnes attendent le lancement de la manifestation. C’est vendredi, et Fridays for Future, le mouvement de protestation de la jeunesse en faveur de la préservation du climat, appelait à une nouvelle mobilisation.
Selon le décompte de Greta Thunberg, il s’agit de la 163ème semaine de mobilisation de ce type. Pour l’occasion, les organisateurs attendent 20.000 personnes. Mais l’événement ne se distingue pas uniquement par son ampleur. Dans le cortège, les habituels adolescents et jeunes adultes de la génération Z ne sont pas seuls. De nombreux autochtones, comme le cacique Ninawa, sont présents pour protester contre leur sous-représentation à la COP26.
En grève au nom de la crise climatique pendant la COP26
Et à hauteur de ceinture apparaît une nouvelle nuée de manifestants. Ceux-ci sont hauts comme trois pommes. Il n’est pas possible de les compter, mais ils sont plusieurs centaines. Couverts de doudounes aux couleurs chatoyantes, bonnets de laine vissés sur la tête, ces enfants veulent manifester avec les grands. Ils ont entre cinq et onze ans et se tiennent prêts à défiler aux côtés de leurs ainés.
Ces petits déterminés ont fait l’école buissonnière une journée pour accomplir ce qui leur semble déjà être leur devoir. Leurs prédécesseurs militants cherchent depuis de très nombreux mois à attirer l’attention des adultes, dirigeants décisionnaires. Eux, activistes en herbe, ont réussi à faire poser des jours de congés à leurs parents spécialement pour l’occasion.
« Un jour, j’ai rencontré un scientifique. Je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour réduire mon empreinte écologique. Il m’a répondu qu’à mon âge, je pouvais commencer par me sensibiliser, c’est pourquoi je suis là aujourd’hui », affirme Dylan, 11 ans. Sa tante Kate l’accompagne. Elle a « appelé l’école pour leur dire qu’il serait en grève aujourd’hui ». Pour elle, la sortie a aussi une dimension pédagogique. Ses grands yeux bleus s’écarquillent : « les enseignants nous soutiennent car nous complétons ce que les élèves apprennent en classe en venant ici ».
Entre copines pour s’attaquer à la crise climatique
Allan, 40 ans, confirme. Cet ingénieur dans le domaine de l’eau a posé une journée de travail pour venir avec ses trois garçons de 9, 7 et 5 ans. Ils s’appellent Ethan, Charlie et Hamish. Le père donne la main aux deux aînés et porte le benjamin sur ses épaules. « Beaucoup de camarades de classe d’Ethan sont là aujourd’hui », énonce le père de famille. Si le garçonnet a tenu à être présent, c’est parce qu’il trouve « scandaleux de voir autant de plastique l’été sur les plages ».
Plus loin dans la foule, quatre fillettes agitent des pancartes critiquant l’inaction des gouvernements. L’une d’entre elles, Carole, 10 ans, crie à tout rompre, preuve de sa détermination. Elle et son amie Maggy, 9 ans, sont là pour « s’attaquer au changement climatique et dire à tout le monde d’en faire de même ». Margaret, 9 ans, bonnet blanc à pompon et lunettes à grosse monture noire dit être là pour « faire la différence ». « C’est important d’être là parce qu’il s’agit de notre futur », ajoute Karen, 10 ans.
Deux cents mètres plus loin Mathilda, 8 ans, marche avec son père qui a lui aussi décidé de ne pas travailler pour accompagner sa fille. « C’est la première fois que je manifeste. Je suis contente d’être là. Je veux aider à résoudre la crise climatique », explique calmement la petite blonde aux yeux noisette.
Apprendre aux enfants à protéger la planète
« Je trouve que ce qui arrive à la planète est terrible. Si on ne prend pas soin d’elle, on n’en aura pas une deuxième », explique Erin, 8 ans. C’est au nom de cette inquiétude qu’elle a tenu à être là ce matin. La fillette porte deux couettes et a des légumes peints sur les joues. Elle tient une pancarte où est inscrit « aide à préserver la planète ». À côté d’elle sa grande sœur, vêtue d’un coupe-vent bicolore vert d’eau et saumon. Un bonnet bleu marine protège sa chevelure blonde. Elle s’appelle Elle. À dix ans, elle pense que « le changement climatique est une mauvaise chose ». Puis, elle ajoute que « si on ne fait rien, ce sera pire quand on sera grands ».
Laury, leur mère de 34 ans, approuve leur engagement. « Elles voulaient venir, je veux les soutenir », affirme-t-elle. Son amie Amy en a fait de même. Elle a déserté le travail pour accompagner son fils Flynn, 10 ans. « Les enfants doivent comprendre dès maintenant qu’ils devront réduire les émissions de CO2 dans le futur », déclare la jeune femme, les joues rougies par le froid.
Yuko, 33 ans, est du même avis. Pour elle, il est « essentiel que les enfants participent car nous devons leurs inculquer certaines valeurs le plus tôt possible. Ils doivent apprendre qu’ils devront agir pour protéger la planète ». Devant elle avance son fils Niko, 7 ans. Dans sa grosse doudoune orange, le petit connaît la raison de sa présence. De sa petite voix d’enfant, il explique ne pas supporter que « des hommes fassent du mal aux arbres. Cela détruit le sol et tue des animaux ».
Jamais autant d’enfants en manif, foi de policier
Yuko et Niko ne sont pas seuls. Dans sa poussette, Noï, 10 mois, les accompagne. Ses grands yeux marron-vert observent la foule en silence. « Oh, ce n’est pas un problème de l’amener ici. Au contraire, c’est une belle balade », sourit Yuko. Une centaine de mètres devant elle, Manish, 40 ans, conduit un landau. À l’intérieur, sa fille tout de rose vêtue dort d’un sommeil de plomb. Le père affirme que « l’événement est pour les enfants. L’ambiance est amicale ». Il ne craint pas pour la sécurité de sa fille.
Autour du cortège, des policiers en chasuble jaune fluo veillent à faire régner l’ordre. La foule est disciplinée. Sans donner son nom, un imposant gardien de la paix confie que c’est la première fois qu’il voit autant d’enfants dans une manifestation. Il assure « n’avoir jamais vu ça en seize ans de service« .
L’implication de cette toute petite jeunesse émeut les plus âgés présents ce matin. « Merci ! Bravo les jeunes ! Merci pour ce que vous faites ! », scande une vieille femme affublée d’un étrange costume argenté. Elle fait partie de la dizaine d’Aged Agitators (agitateurs âgés, NDLR) présents en début de cortège. Les larmes aux yeux, elle interpelle chaque jeune, enfant, adolescent, ou jeune adulte, qui passe devant elle. Elle résume sa motivation en quelques mots : « nous allons mourir vieux. Les jeunes aussi doivent avoir le droit de mourir vieux « .
Robin, 79 ans, a lui aussi tenu à être présent. « Je suis docteur. Je sais que sans une planète saine, nous ne pouvons pas être en bonne santé », déclare-t-il. L’homme est d’une élégance surannée malgré son accoutrement argenté. D’une voix douce, il remercie « Aujourd’hui, les jeunes prennent le flambeau de ce que nous essayons de faire depuis trente ou quarante ans ».
Chaymaa Deb