Alors que la COP26 débute le 31 octobre, l’ONG Réseau Action Climat émet ses doutes sur les dernières annonces liées à l’approche de cette 26e Conférences des Parties.
La COP26 approche à grands pas. La 26e Conférence des parties se tiendra du 31 octobre au 12 novembre 2021 à Glasgow, en Écosse. Six ans après la COP21 et l’accord de Paris pour le climat, une centaine de chefs d’États se retrouve sous l’égide des Nations unies. Le but de la communauté internationale : mettre tout le monde d’accord sur les efforts à fournir contre le réchauffement climatique.
Retour sur ces dernières annonces avec Marine Pouget, responsable gouvernance internationale de l’ONG Réseau Action Climat. Une COP qui s’annonce difficile avec de petits efforts de l’Inde, d’Israël et de l’Arabie saoudite, la Chine et la Russie absentes et des inquiétudes de plusieurs pays.
COP26 : l’effort de l’Inde
L’Inde sera bien présente pour cette 26e Conférence des Parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le bureau du Premier ministre Narendra Modi a déclaré que la COP26 serait une occasion clé pour « tracer la voie à suivre. » Narendra Modi se rendra également au sommet du G20 à Rome le week-end prochain, où la hausse des températures sera une question clé.
Pour Marine Pouget, responsable gouvernance internationale de Réseau Action Climat, cette annonce suscite des réactions car l’Inde fait partie des pays qui n’ont pas soumis leur plan climat. « Normalement tous les pays doivent présenter leur plan, plus ambitieux que celui de 2015 », explique Marine Pouget. « L’Inde est un pays qui pollue un peu, qui n’a pas fait son travail mais qui vient malgré tout. Tandis que la Chine et la Russie ne font pas cet effort », résume la responsable gouvernance internationale.
Israël : sécurité nationale versus internationale
Concernant Israël, le cabinet du Premier ministre Naftali Bennett indiquait que « la lutte contre le réchauffement climatique est un nouvel intérêt de sécurité nationale. » En juin dernier, le nouveau gouvernement mené par Naftali Bennett avait fixé au pays l’objectif de réduire de 27% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Pour Marine Pouget, « lier le climat et le côté sécurité est un lien intéressant. » Mais elle rappelle que cette COP est un moment de solidarité internationale. « Israël fait partie des pays qui peuvent envoyer du soutien technique ou financier à des pays en développement qui n’ont pas ces fonds », explique la responsable gouvernance. « C’est ce type de message, de coopération internationale, qui est attendu et pertinent. Pas celui de sécurité nationale car la sécurité doit être internationale, il faut protéger tous les pays face au changement climatique », insiste Marine Pouget. En somme, coopérer davantage plutôt que de se renfermer sur son territoire.
Bahreïn et Arabie Saoudite doivent donner leur plan climat
Le royaume du Bahreïn a annoncé dimanche viser la neutralité carbone d’ici 2060, au lendemain d’une annonce identique de l’Arabie saoudite. Deuxième producteur mondial de pétrole, l’Arabie saoudite détient les deuxièmes plus grosses réserves mondiales. Un pays qui est ainsi « important pour la transition », précise Marine Pouget.
Mais Marine Pouget le rappelle : « pour l’instant, nous n’avons pas ces fameux plans climat malgré ces annonces. Ni de l’Arabie saoudite ni du Bahreïn. » Réseau Action Climat attend un plan plus détaillé. « Le comment est important et pour l’instant, ce n’est pas suffisant pour être applaudi », estime la responsable.
COP21 et COP26 : « On applaudit la Gambie »
Il n’y a qu’un seul pays aligné avec l’objectif de la COP21 de 1.5°C : la Gambie. Pour rappel, les 195 États s’engageaient en 2015 à limiter le réchauffement climatique en dessous des 2°C. Avec en ligne de mire la volonté de maintenir l’augmentation des températures sous les 1,5°C.
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« On applaudit la Gambie car à part elle, aucun pays ne respecte l’accord de Paris », constate Marine Pouget. Réseau Action Climat reconnaît des efforts de la Commission de l’Union européenne. « Cette dernière est l’un des bailleurs principaux et finance beaucoup de projets de coopération internationale », informe la responsable. Elle admet que certains pays fournissent des efforts et lancent une dynamique, notamment le Costa Rica.
La Russie régresse
La Russie l’a décidé, elle ne sera pas présente pour cette COP. Réseau Action Climat explique difficilement cette absence, puisque la Russie avait pourtant soumis un nouveau plan climat. « Elle s’est contrainte à ce calendrier des COP mais son dernier plan était moins bon que celui de 2015. Pour finalement ne pas venir à la COP26 », s’étonne Marine Pouget. La responsable gouvernance internationale le souligne : « C’est très flou et dommage, on ne comprend pas bien la stratégie. »
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L’ONG estime que la Russie « veut indiquer que ce n’est pas leur priorité », juge Marine Pouget. Cette dernière présume que la Russie sera toujours dans l’attente d’un plan correspondant à ses intérêts nationaux. « Si c’est le cas, elle pourrait s’aligner mais ne fera rien de plus. C’est un message de manque d’ambition et de solidarité », condamne la responsable gouvernance. La Russie, pollueur historique, a vécu la révolution industrielle du 19 et 20e siècles. « Elle a donc une vraie responsabilité historique à agir », estime Marine Pouget.
La Chine « boude »
La Chine et son président Xi Jiping seront absents pour cette COP26. Grand consommateur de charbon, le pays est le premier émetteur de gaz à effet de serre au monde. La Chine est un cas différent selon Marine Pouget, qui précise que « le pays n’est pas un pollueur historique contrairement à la Russie. » L’an dernier, la Chine annonçait une neutralité carbone en 2060.
« La Chine était prête à réduire ses émissions à condition que les autres pays pollueurs soient aussi ambitieux. Ce qui n’a pas été le cas », explique la responsable gouvernance. L’année dernière, il y avait une vraie tentative d’ambition commune entre la Chine et l’Union Européenne. « Mais ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord et maintenant la Chine boude », résume Marine Pouget.
Une inégalité de représentation
À cause de la crise sanitaire, les délégations se retrouvent réduites. Ainsi, Marine Pouget explique que les pays en développement seront moins en capacité de suivre toutes les négociations. « C’est déjà le cas de toutes les COP, il y a un gros déséquilibre entre les pays du nord et du sud », déplore la responsable gouvernance. Un écart qui se creuse davantage à cause de la crise sanitaire. En somme, « la qualité de la représentation laisse à désirer », juge Marine Pouget.
De plus, pour des questions sanitaires, certaines îles du Pacifique comme le Vanuatu ne peuvent pas se rendre à la COP26. « C’est assez tragique car c’est une question de survie imminente pour ces îles extrêmement frappées par le changement climatique », déplore Marine Pouget.
Inquiétudes de la COP26 et de l’ONU
Le président britannique de la COP26 Alok Sharma juge qu’il sera « plus dur » de parvenir à un accord mondial qu’à Paris. Depuis la signature de l’accord de Paris en 2015, la transition vers une économie et des énergies plus propres a progressé, mais trop lentement pour limiter le réchauffement à 2°C.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres craint quant à lui un « aller simple vers le désastre. » Jugeant les progrès des dernières semaines insuffisants, Antonio Guterres en appelle au « sens des responsabilités » des gouvernements. « Quand je vois à quel point nous sommes loin de là où nous devrions être, je suis profondément inquiet », déclarait le secrétaire général de l’ONU jeudi dernier.
Les COP, « plateau de jeu »
Réseau Action Climat le sait, « cette COP va être difficile. Pour les questions de représentation et pour les thématiques clés sur lesquelles il faut avancer », expose Marine Pouget. Si cette COP ne sera pas un échec complet, elle risque de ne pas fonctionner car elle englobe trop d’enjeux à la fois. « C’est trop de choses à régler en deux semaines, avec des acteurs importants qui bloquent », conclut-elle.
Malgré tout, les COP donnent un « plateau de jeu », selon Marine Pouget. Sans elles, pas de salle, de micro, de moment où les États viennent négocier. « C’est un cadre international qui permet de faire pression sur les États. Il n’y aurait pas eu d’affaire du siècle si la France ne s’était pas engagée aux accords de Paris », rappelle la responsable gouvernance de l’ONG.
Jeanne Guarato