Une coalition de 190 pays et organisations s’est engagée mercredi soir à sortir de l’énergie charbon dès 2030. Ces accords ont été présentés dans la « Déclaration mondiale sur la transition du charbon vers l’énergie propre », annoncée officiellement ce jeudi 4 novembre. Pourtant, les solutions proposées semblent encore illusoires pour atteindre une transition énergétique décarbonée d’ici 2030.
Londres jubile. Mercredi 3 novembre à 23H30, la gouvernance britannique a annoncé que 190 pays et organisations (régions, entreprises, institutions financières…) s’engageaient à éliminer progressivement l’électricité produite à partir du charbon. Le soutien aux nouvelles centrales se verrait, lui-aussi, disparaître, au profit du déploiement des énergies moins polluantes.
« Le succès de la lutte contre le changement climatique dépend de l’arrêt de la production d’électricité à partir du charbon, qui est le principal responsable des émissions de carbone », a rappelé Michael R. Bloomberg, envoyé spécial des Nations unies. Suite à l’annonce de la « Déclaration mondiale sur la transition du charbon vers l’énergie propre », annoncée officiellement jeudi 4 novembre, des membres de plusieurs gouvernements ont félicité cette initiative. « Les nations du monde entier s’unissent à Glasgow pour déclarer que le charbon n’a aucun rôle à jouer dans notre future production d’électricité », a déclaré Kwasi Kwarteng, secrétaire d’États aux affaires et à l’énergie britannique.
Les grands consommateurs de charbon absents
À ce jour, au moins 23 pays se sont engagés dans la fin progressive du charbon. Parmi eux : l’Égypte, la France, l’Italie, le Royaume-Uni, le Canada, l’Espagne, ou encore le Maroc. En plus, la Pologne, le Vietnam et le Chili se sont engagés pour la première fois et à ne pas construire ou investir dans de nouvelles centrales au charbon, marquant une avancée dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, la déclaration précise que cette suppression s’effectuerait « dans les années 2030 pour les grandes économies ». Il faudrait une décennie de plus pour reste du monde.
Toutefois, Xavier Arnauld de Sartre, chercheur au laboratoire Transitions énergétiques et environnementales du CNRS, estime qu’il sera « compliqué » pour la Pologne de réduire sa consommation de charbon à court terme. « La Pologne vit de grosses problématiques sociales, explique l’expert. Ses populations restent encore entièrement dépendantes des régions minières. Ces gens-là étaient le fer de lance du communisme, ainsi que des ouvriers à très grande fierté. Arrêter du jour au lendemain le charbon me paraît compliqué, notamment à travers les coûts sociaux induits ». Malgré cet exemple, le chercheur estime ces engagement plausibles grâce à la pression sociale et l’existence de technologies disponibles.
Toutefois, les premiers pays consommateurs de charbon, tels que la Chine, l’Inde, l’Australie ou les États-Unis, n’ont pas signé ces engagements. Selon Xavier Arnauld de Sartre, l’absence de ces pays renforce la déclaration. « Le fait que la Chine n’y aille pas rend la chose plus crédible, car personne n’y aurait cru », affirme-t-il. En revanche, la Chine, le Japon, la Corée, les trois plus grands financiers publics du charbon, ont annoncé l’année dernière mettre fin au financement étranger de la production de charbon d’ici à la fin de 2021. Les accords du G7, du G20 et de l’OCDE, ont adopté cette même ambition.
« Les solutions de l’énergie décarbonée vont poser d’autres problèmes »
Parmi les objectifs présentés, la « Déclaration mondiale sur la transition du charbon vers l’énergie propre » vise à « accroître rapidement le déploiement de la production d’électricité propre » afin de respecter l’Accord de Paris visant à limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré. Cette transition mondiale vers une énergie moins polluante devrait, selon un communiqué de la gouvernance britannique, « progresser quatre à six fois plus vite qu’aujourd’hui ».
Cependant, le rythme visé reste confronté à divers obstacles selon Xavier Arnauld de Sartre. Si le Parlement Climat espère le développement d’un réseau électrique mondial plus “interconnecté« , le chercheur n’en voit pas la possibilité. « L’électricité ne se transporte pas très bien, détaille le chercheur. On pourrait imaginer produire du solaire au Sahara et envoyer par des câbles en haute tension pour l’Europe, mais en termes de distance ce n’est pas envisageable ».
L’autre difficulté pour Xavier, c’est le manque d’efficacité des solutions proposées pour remplacer le charbon. Il prend alors l’exemple de la centrale de Drax en Angleterre, recyclée en bioénergie. Pour alimenter l’usine, le bois est associé au stockage géologique de CO2. « Il faut capter le CO2 en sortie de cheminée et l’envoyer dans le sous-sol en stockage géologique, ce que l’on appelle du stockage négatif. Cela revient à produire de l’énergie en stockant du CO2« . L’expert précise que le bois est « difficile à trouver » pour alimenter cette usine. Quant au stockage géologique de CO2, cette technologie serait encore « source de débats ». « On n’a pas de pilote long terme sur la maîtrise et pas de stockage à quantité industrielle. C’est super cet engagement d’arrêt du charbon mais les solutions qu’elles envisagent vont poser d’autres problèmes« , résume-t-il.
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Un enjeu financier important
Une transition énergétique sans charbon d’ici 2030, le chercheur n’y croit pas. « Honnêtement, je n’ai pas de doute quant à une transition énergétique sur le long terme, confie-t-il. Aujourd’hui, la question c’est le rythme. On aurait dû commencer il y a 30 ans ». Pour lui, la prise de conscience écologique est arrivée trop tardivement pour « tenir les 1,5 degrés » visés par l’Accord de Paris en 2015.
Après l’engagement contre la déforestation, la fin progressive du charbon reste l’un des impératifs pour lutter contre le réchauffement climatique. Plus de 20 milliards de dollars ont été annoncés pour soutenir la transition mondiale du charbon vers les énergies renouvelables, à la COP26. L’enjeu reste également financier. « J’appelle tous les gouvernements à élever le niveau d’ambition nécessaire pour combler les déficits de financement et garantir un avenir énergétique qui ne laisse personne de côté« , s’est exprimé Damilola Ogunbiyi, PDG et coprésidente d’ONU-Énergie. D’autres signatures restent attendues pour la fin progressive du charbon. À présent, « il faut assumer les coûts, les modèles éco derrière et les politiques derrière » selon Xavier Arnauld de Sartre. Reste à savoir si les pays atteindront leurs objectifs à temps, face à aux prévisions inquiétantes du rapport du Giec.
Sophie Cayuela