Alors que la première audience de l’Affaire du siècle se tient aujourd’hui devant le tribunal administratif de Paris, retour sur les raisons de la requête contre l’Etat pour la justice climatique. Le but de cette action en justice? Faire reconnaître à l’État sa responsabilité dans la situation actuelle, et son inaction pour le climat. Explications.
Près de deux ans après de dépôt d’une requête au Tribunal administratif de Paris, les quatre ONG à l’origine de l’Affaire du siècle ont rendez-vous pour leur première audience. L’accusé : l’État. Son crime : ne prendre aucune mesure concrète pour endiguer les changements climatiques. Greenpeace, Oxfam, Notre affaire à tous et la Fondation Nicolas Hulot veulent ainsi voir émerger une justice climatique.
Par cette action, les ONG appellent l’État à reconnaître sa responsabilité face aux risques climatiques actuels devant la loi. « Il n’est pas du tout responsable de la part des dirigeants politiques de dire que cette question de l’action climatique n’est pas politique. Ce n’est pas une question individuelle, c’est une question collective », déclare Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. Par ces mots, l’ancienne députée sensible aux questions écologiques donne le ton. Pour les acteurs de l’Affaire du siècle, l’heure est à la prise de responsabilités de tous les acteurs du changement. Plus au renvoi de balles, ni aux mesurettes politico-politiciennes.
L’Affaire du siècle et le « rôle central » de l’État
En tout état de cause, l’initiative judiciaire portée par les ONG n’a pas la même résonance que les actions précédentes. En saisissant le Tribunal administratif de Paris, les militants prouvent que les essentielles Marches pour le climat ne suffisent pas. La requête pointe directement du doigt l’attentisme dans lequel sont tour-à-tour plongés les gouvernements successifs. En ce sens, l’Etat ne peut donner qu’une désolante impression de mollesse pour les plus déterminés à agir. « Dans le contexte actuel, l’État doit jouer un rôle central, fondamental pour éclairer, guider, inciter les citoyens, les entreprises, les décideurs, au nom de l’intérêt général », considère Jean-Baptiste Bosson, scientifique glaciologue diplômé de l’Université de Lausanne.
Pour ce scientifique, voir fondre les glaciers alpins à vue d’œil est un crève-cœur innommable. « Je peux mesurer chaque année l’évolution des glaciers dans les Alpes, et on assiste à l’extinction des glaciers dans les Alpes. C’est quelque chose que l’on n’a pas connu depuis des dizaines de milliers d’années, donc ce n’est pas anodin » explique-t-il avec inquiétude. C’est ce constat qui l’a poussé à militer aux côtés des ONG qui portent l’Affaire du siècle. Comme les 2,3 millions de personnes qui ont signé la pétition, Jean-Baptiste Bosson attend que l’État s’engage dans la transition. Il en est convaincu : « on est encore dans cette position où l’action est possible ».
L’Affaire du siècle, entre loi et « désobéissance civile »
Aujourd’hui, le droit administratif ne permet pas d’intenter un procès à l’État pour inaction climatique. Mais le recours évoque plusieurs moyens de droit. « Le premier est le principe général du droit à vivre dans un système climatique stable. Et le second est la reconnaissance du préjudice écologique », explique Marine Denis, porte-parole de Notre affaire à tous. C’est sur ce second point que les associations veulent appuyer.
Les citoyens, et notamment les plus jeunes, restent mobilisés face à l’État. Léna Lazare, étudiante en physique à La Sorbonne et membre du collectif Désobéissance Écolo Paris en témoigne. « On en a vraiment assez du discours hyper culpabilisant qui nous dit que c’est à nous citoyens de changer, alors que l’on est dans un système qui ne nous le permet pas. Notre ennemi numéro 1 ce sont les multinationales et le gouvernement infesté par les lobbies. Ils sont à l’origine du désastre écologique » confiait-elle lors du dépôt de la requête avec effarement. La mobilisation est loin de faiblir. « On est aussi prêts à monter en radicalité et à faire des actions illégales. Ça fait quatre semaines qu’en Île-de-France on fait des actes de désobéissance civile, c’est-à-dire des blocages de lieux liés à des entreprises écocides. »
Cette action fait suite aux échanges plus que décevants que les ONG avaient eu avec le gouvernement en février 2019. Le ministre de la Transition écologique d’alors, François de Rugy, n’avait d’ailleurs pas hésité à renvoyer la faute du manque d’action de l’État en termes de climat sur les citoyens. François de Rugy avait effectivement déploré des « résistances et hostilités franches » d’une partie des Français lorsqu’il s’agit d’environnement. Une manière de se cacher derrière son petit doigt que les ONG réunies ne supportent plus.
Par Chaymaa Deb