L’ex-gouvernement a prolongé l’autorisation de construction de l’EPR de Flamanville dans un décret publié le 24 mars dernier. L’EPR peut désormais poursuivre ses travaux jusqu’en avril 2020. Alors, l’EPR sera-t-il un jour mis en service?
En 2007, l’Etat avait pris quelques précautions. Le décret du 10 avril prévoyait une autorisation de construction de 10 ans pour qu’EDF ait le temps de mener ses travaux. Il faut dire qu’à l’époque, la mise en service de l’EPR de Flamanville était prévue pour 2012. Mais le chantier de construction du fleuron industriel français accuse d’importants retards. Tellement que son autorisation de construction devait s’achever le 10 avril 2017.
Grâce à un décret sobre, publié au Journal officiel, le délai est prolongé de 3 ans, jusqu’au 10 avril 2020. « Au II de l’article 3 du décret du 10 avril 2007 susvisé, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « treize », indique simplement le décret. Il porte ainsi de 10 à 13 ans le délai de mise en service de l’EPR de Flamanville. Le texte a été signé par l’ex Premier ministre Bernard Cazeneuve et l’ex ministre de l’Energie Ségolène Royal.
Après de nombreuses annonces de délais supplémentaires, EDF prévoit désormais un démarrage de l’EPR de Flamanville fin 2018 pour une mise en service commerciale en 2019. Ses coûts sont déjà passés de 3,3 à 10,5 milliards d’euros. Mais d’importantes interrogations demeurent sur la possibilité de respecter ce délai.
Des anomalies sur la cuve de l’EPR de Flamanville
L’EPR de Flamanville sera-t-il réellement un jour mis en service? La décision reste encore dans les mains de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En 2015, Areva signalait une anomalie de composition de l’acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville. En 2016, Areva et EDF reconnaissaient des anomalies plus graves que prévues. Ces « anomalies » seraient en réalité dues à des falsifications lors de leur contrôle de conformité en sortie de l’usine de Creusot Forge.
Les premiers tests portant sur deux pièces analogues à celles de Flamanville ont révélé des teneurs en carbone trop importantes dans la composition de l’acier du couvercle et du fond de la cuve du réacteur. L’ASN a autorisé Areva à étendre le programme d’essais à une troisième pièce. L’industriel a envoyé ses résultats en fin d’année 2016. L’ASN doit désormais valider ou non la qualité de la cuve et rendre ses conclusions finales d’ici septembre.
Si les essais complémentaires ne convainquent pas l’ASN, il faudra remplacer la cuve. Ce qui nécessitera de déconstruire une bonne partie des installations déjà en place. De nouvelles dépenses de plusieurs milliards d’euros sont en jeu et viendraient saler la note. Par ailleurs, cela retarderait encore de plusieurs années la mise en service du réacteur. Cette décision menacerait aussi les deux autres EPR en construction à Taishan en Chine. Certaines calottes de leurs cuves ont été forgées par Creusot Forge, selon un procédé similaire.
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EDF et l’Etat marchandent sur Fessenheim
L’extension d’autorisation de construction était l’une des contre-parties exigées par EDF pour compenser la fermeture de la centrale de Fessenheim. Une fermeture promise par François Hollande durant sa campagne électorale. Et qui doit entrer en vigueur dès la mise en service de l’EPR de Flamanville afin de respecter le plafond pour la puissance nucléaire installé en France fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votée en août 2015 (63,2 gigawatts).
La mise en service des 1650 mégawatts (MW) de l’EPR de Flamanville devra s’accompagner de la fermeture des deux réacteurs de 900 MW de Fessenheim pour respecter ce plafond. L’accord prévoit également le versement par l’Etat d’un dédommagement de 489 millions d’euros minimum à l’industriel. Ce montant a été approuvé le 24 janvier par le conseil d’administration d’EDF. La fermeture de Fessenheim devrait ainsi avoir lieu lors de la mise en service commerciale de l’EPR de Flamanville, prévue en 2019. À moins que le futur Président de la République revienne sur cette décision… Ou que la cuve du réacteur soit considérée non conforme par l’ASN.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com