L’Agence internationale de l’énergie reconnaît l’importance d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Dans cette perspective, elle invite à oublier dès « maintenant » tout projet d’exploration pétrolière ou gazière et à ne plus vendre de voiture thermique neuve au-delà de 2035.
L’agence internationale de l’énergie (AIE) publie sa feuille de route pour le secteur mondial de l’énergie en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Le chemin est « étroit » mais encore « praticable« , note l’AIE. À six mois de la COP26 de l’ONU, l’agence promet « d’énormes bénéfices » tant en termes d’emploi que de croissance économique ou de santé.
Pour atteindre cette neutralité carbone, l’AIE invite à changer de paradigme énergétique. « Au-delà des projets déjà engagés en 2021, notre trajectoire ne prévoit aucun nouveau site pétrolier ou gazier, » note ainsi l’Agence. « La baisse rapide de la demande de pétrole et de gaz naturel signifie qu’il n’y a pas d’exploration requise et qu’aucun champ gazier et pétrolier nouveau n’est nécessaire au-delà de ceux déjà approuvés« . La feuille de route exclut aussi tout nouveau investissement dans les centrales électriques à charbon.
Multiplier par quatre les installations d’énergies renouvelables
L’AIE espère atteindre la neutralité carbone du secteur électrique dès 2040. Cela impose d’installer d’ici 2030 quatre fois plus de capacités solaires et éoliennes chaque année qu’en 2020, année record. Pour 2050, l’Agence voit ainsi 90% de l’électricité venir des renouvelables, et une large part restante du nucléaire. Les ressources fossiles ne fourniront plus qu’un cinquième de l’énergie, contre 4/5 aujourd’hui.
Mais pour cela, les ventes de voitures neuves à moteur thermique doivent cesser dès 2035. Les calculs de l’AIE rejoignent ainsi ceux de l’ONG Transport & Environment. Dans les faits pourtant, la plupart des constructeurs n’en sont pas là. L’efficacité énergétique devra aussi croître de 4% par an dès cette décennie, soit trois fois plus que le rythme moyen des deux dernières décennies.
Des défis considérables pour une énergie accessible
« Placer le monde sur cette trajectoire requiert une action forte de la part des gouvernements, soutenus par une coopération internationale bien plus importante », estime le directeur de l’AIE, Fatih Birol. Et ce, alors que quelque 785 millions de personnes sont encore sans électricité.
Au total, cette trajectoire ferait passer l’investissement dans le secteur énergétique à 5.000 milliards de dollars annuels d’ici à 2030. Ce qui ajouterait 0,4 point de croissance par an au PIB mondial, calcule l’AIE dans une analyse menée avec le FMI.
Les défis ne manquent pas. En particulier, il faudra assurer les approvisionnements en métaux rares, nécessaires aux énergies renouvelables. Les gisements sont concentrés dans un petit nombre de pays et porteurs d’instabilité si le marché n’est pas organisé, insiste l’AIE.
Enfin le scénario repose en partie sur des technologies encore indisponibles. En 2050, près de la moitié des réductions d’émissions de CO2 viendront de technologies aujourd’hui au stade de la démonstration, prévient l’AIE. Il s’agit de batteries avancées, d’hydrogène vert compétitif, mais aussi de systèmes de captage et stockage du CO2, solution qui fait l’objet de débats au sein des experts du climat.
Dave Jones, du think tank Ember, spécialisé dans l’énergie, voit dans ce rapport « un revirement complet par rapport à l’AIE orientée fossiles d’il y a 5 ans ». « Un vrai couteau planté dans l’industrie des énergies fossiles », conclut-il.
Matthieu Combe avec AFP