Des chercheurs du CHRU de Tours prouvent pour la première fois le lien entre exposition professionnelle aux pesticides et hausse du risque de leucémie. Elle pourrait relancer le débat sur les distances de sécurité d’épandage des pesticides à proximité des habitations.
L’étude tourangelle parue dans le journal Scientific Reports prouve pour la première fois qu’une exposition professionnelle aux pesticides augmente le risque de leucémie aiguë myéloïde. Cette maladie cancéreuse du sang et de la moelle est d’installation rapide, voire brutale, surtout chez les adultes. Sur la base des études publiées sur les 75 dernières années, les médecins établissent « un lien formel ». Ils objectivent aussi une corrélation entre la consommation en pesticides et l’incidence de ces leucémies aux États-Unis ces 25 dernières années.
Il existe quatre types de leucémie. La classification se fait selon la rapidité d’évolution de la maladie (aiguë ou chronique). Mais aussi selon les cellules souches de la moelle osseuse à partir desquelles elle se développe (myéloïdes ou lymphoïdes). L’étude se concentre ici sur la leucémie aiguë myéloïde chez l’adulte, en lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides.
Un risque de développer une leucémie en hausse de 50%
Publiées entre 1946 et 2020, le service d’hématologie a exploré 6.784 publications médicales. Finalement, il a retenu 14 publications. Elles réunissent près de 4.000 patients présentant une leucémie aiguë myéloïde et près de 10.000 sujets témoins. Résultat : une forte exposition aux pesticides, principalement aux insecticides, augmente en moyenne de 50% le risque de développer cette maladie par rapport aux sujets non exposés. L’étude est certaine à 95 % que la hausse du risque est comprise entre 10 % et 108 %.
« Ces conclusions renforcent la nécessité de réflexions sociétales pour limiter les doses des pesticides utilisées en agriculture et pour protéger efficacement les professionnels exposés ainsi que les personnes vivant à proximité immédiate des zones d’épandage de ces fortes doses de pesticides », avance le centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Tours. L’étude pourrait ainsi relancer le débat sur les distances minimales d’épandage des pesticides à proximité des habitations. De nouvelles recherches seront nécessaires. Elles devront identifier les mécanismes cellulaires par lesquels les pesticides seuls ou en association, via l’effet cocktail, augmentent le risque de développer une leucémie aiguë myéloïde. Les hématologues de Tours viennent d’ailleurs d’identifier l’un de ces mécanismes dans la moelle osseuse.
Matthieu Combe