En moins d’un an, Julien Denormandie a réintroduit des néonicotinoïdes, a défendu la viande à la cantine et les nouveaux OGM. Ainsi, le ministre de l’Agriculture plaît à la profession, moins aux écologistes.
Fin avril sur BFMTV/RMC, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a reconnu que l’objectif de 15% des surfaces agricoles cultivées en bio en France ne sera pas atteint à l’issue du quinquennat. Il appelle à arrêter d’opposer « l’environnement et l’agriculture”. “Il n’y a pas dans notre pays d’un côté les vertueux qui font du bio et de l’autre côté les mauvais qui font un autre type d’agriculture”, estime le ministre.
Cet ingénieur agronome de formation est ministre de l’agriculture depuis juillet 2020. Du haut de ses 40 ans, il remet selon lui du « rationnel » dans l’approche des questions agricoles. Il s’oppose ainsi aux approches « dictées par l’émotion collective citoyenne ». « Sa marque de fabrique, c’est qu’il fait l’unanimité parmi ceux qui ne sont pas dans une vision décroissante de l’agriculture », décrit à l’AFP Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, qui représente 2.300 entreprises coopératives françaises.
Retour des néonicotinoïdes, des nouveaux OGM et protection de la viande
Le débat a fait couler beaucoup d’encre. Portée par le gouvernement, la réintroduction des insecticides néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles » dans les champs de betteraves à sucre a marqué le début de son mandat. Alors que 23 organisations – associations environnementales et de défense des consommateurs, syndicats agricoles et apicoles – mettaient en avant les solutions alternatives aux néonicotinoïdes pour la betterave, le ministre soutenait la mesure. Il s’agit là de son « acte fondateur » de ministre, estime Arnaud Rousseau, premier vice-président de la FNSEA. Le céréalier francilien salue le « courage » de Julien Denormandie. Car il n’était « pas politiquement correct » de revenir sur une interdiction portée en 2016 par Barbara Pompili, désormais ministre de la Transition écologique. Dans ce dossier, les deux ministres se sont mis à dos les militants écologistes.
Par ailleurs , il se présente comme un « fervent défenseur » des nouvelles technologies permettant de modifier le génome des plantes (NBT ou « new breeding techniques » ). Selon les détracteurs de ces techniques, elles produisent de « nouveaux OGM« . Greenpeace est particulièrement actif sur le sujet. L’association demande au gouvernement un encadrement strict de tous les nouveaux OGM au même titre que les anciens OGM.
Autre sujet, mêmes effets. En février dernier, le maire de Lyon voulait instaurer un menu unique sans viande pendant quelques semaines. Julien Denormandie s’était insurgé et rangé du côté des agriculteurs. « Arrêtons de mettre de l’idéologie dans l’assiette de nos enfants ! Donnons-leur simplement ce dont ils ont besoin pour bien grandir. La viande en fait partie”, avait-il indiqué sur son compte Twitter.
Un Varenne de l’eau et de l’adaptation au changement climatique
Le 24 avril dernier, Julien Denormandie a indiqué dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche, l’organisation prochaine d’un « Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique » d’ici cet été. Le ministre de l’agriculture entend, selon son cabinet, « reprendre la main » sur cette question de manière « pragmatique et dépassionnée ». Il souhaite notamment simplifier la construction de retenues d’eau destinées à l’irrigation, devenues un conflit emblématique entre agriculteurs et écologistes. « On est vraiment sur une tentative de déstabilisation » issue du « lobbying d’une partie du monde agricole », selon Florence Denier Pasquier, vice-présidente de France Nature Environnement.
Au ministère de la Transition écologique (MTE), on indique qu' »à la fin, aucun décret ne peut être signé sans le MTE qui a la tutelle de l’eau ». Julien Denormandie « est le premier à dire qu’il ne faut pas opposer agriculture et environnement, mais on dirait qu’il cherche à creuser lui-même un fossé alors que les enjeux actuels devraient nous conduire à travailler main dans la main », remarque Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France.
Se disant « très à l’écoute des uns et des autres », Julien Denormandie rétorque forger lui-même « la vision politique [qu’il] donne à ce ministère », qui « n’est pas du tout telle que certains cherchent à la caricaturer ». « Je fais ce qui me semble être bon pour notre pays. Je me bats pour avoir une agriculture forte », ajoute-t-il auprès de l’AFP. Il affirme vouloir « sortir des postures, remettre de la raison et de la science dans tous ces débats ». « Il faut parfois accepter que les transitions prennent du temps, parce que la nature c’est complexe, parce qu’il n’y a pas de solution manichéenne, blanc ou noir, bien ou pas ».
Matthieu Combe avec AFP