Les sénateurs ont approuvé mardi, après les députés, en première lecture une dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes. Portée par le gouvernement, la mesure est censée soutenir la filière, mais reste critiquée.
Mardi 27 octobre, le Sénat a autorisé une nouvelle dérogation sur les néonicotinoïdes par 184 voix pour et 128 contre. Avant lui, l’Assemblée nationale avait donné son accord le 6 octobre 2020 dernier. Ce projet de loi, adopté en première lecture, autorise ces insecticides « tueurs d’abeilles » jusqu’en janvier 2023 pour les plantations de betterave. En cause, la crise de la filière sucrière qui craignait une perte de rendements de 30 à 50%. Les agriculteurs subissent en effet les ravages des pucerons verts, vecteurs de la jaunisse. Ils appelaient le gouvernement à l’aide en absence de solutions alternatives jugées efficaces.
L’Union Française de l’Apiculture Française (UNAF) qualifie ce vote favorable à la réintroduction de « recul sans précédent pour la protection de nos abeilles, des pollinisateurs et de la biodiversité ». L’association Pollinis estime que « les sénateurs sacrifient les pollinisateurs pour maintenir un modèle agricole à bout de souffle« . Elle qualifie ce vote de « grave recul pour l’environnement et la démocratie« . Loin de l’effondrement annoncé et les chiffres avancées par la filière, « La perte de rendement de la betterave à sucre […] s’avère finalement de 15 %, bien loin de la catastrophe annoncée« , rappelle-t-elle.
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Que dit cette dérogation sur les néonicotinoïdes ?
La dérogation inclut l’enrobage de semences avec les néonicotinoides. En plus, elle prévoit « l’interdiction de planter des cultures attractives de pollinisateurs suivant celles de betteraves afin de ne pas exposer les insectes aux résidus éventuels de produit » selon le projet de loi.
Barbara Pompili porte le projet avec le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Elle a déclaré au micro de franceinfo début octobre : « On a juste quelques dérogations ultra-ciblées sur une filière qui est la betterave. ». Avant d’ajouter : « Il y a des modes agricoles qui sont encouragés depuis des années et qui nous ont emmenés dans le mur, qui emmène les agriculteurs dans le mur et qu’on ne change pas en cinq minutes »
Le ton a changé depuis 2016 lorsqu’elle était secrétaire d’État à la biodiversité. Elle avait alors tout fait pour mettre en place l’interdiction de cinq molécules de la famille des néonicotinoïdes. Ce fut le cas dès le 23 juin 2016 avec le vote de la loi Biodiversité. La protection des pollinisateurs justifiait alors l’interdiction. La loi prévoyait trois dérogations jusqu’en juillet 2020.
Le débat se relance. Une dernière étape en Commission Mixte Paritaire se tiendra rapidement pour s’accorder sur un texte commun, en vue d’une adoption ainsi qu’une promulgation de la loi rapides. Il y a quelques jours, plusieurs organisations appelaient les sénateurs à ne pas voter la dérogation. Elles font savoir aux pouvoirs publics qu’elles n’en resteront pas là, et continueront de se mobiliser par tous les moyens légaux possibles dans les mois à venir.
Auteur : Manu Lassabe, journaliste de Natura Sciences