Le 25 novembre est la Journée mondiale anti foie gras. Pour fêter cela, L214 porte plainte contre l’État. L’association avance plusieurs violations au droit européen en matière de protection des animaux et de circulation des marchandises. Entretien avec Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214.
À l’occasion de la Journée mondiale anti foie gras, l’association de protection animale L214 frappe encore une fois contre le foie gras. Elle dépose ce jour un recours en responsabilité contre l’État pour 5 violations du droit de l’Union européenne devant le tribunal administratif de Paris. « Aujourd’hui, des produits peuvent être vendus à l’étranger sous l’appellation foie gras, mais la France leur interdit cette appellation car elle lie étroitement le foie gras au gavage« , explique Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214, à Natura Sciences.
« Nous voulons faire reculer le pire qui existe. Le gavage est la seule pratique qui consiste à rendre malade sciemment un animal pour manger l’un de ses organes. En période de gavage, un éleveur peut faire manger de force jusqu’à 1 kg de pâté de maïs en une fois à un canard de 6 kg. Contrairement à ce que dit le Cifog [Comité Interprofessionnel du Foie Gras, ndlr], ce n’est pas une capacité naturelle qui est exploitée. Les canards élevés pour leur foie gras sont des canards mulards, un, hybride obtenu par croisement entre un canard de barbarie et une canne domestique. Stériles, ils ne volent pas et possèdent des dispositions physiologiques à développer un foie gras en un temps record : 10 jours.«
Un droit français construit sur mesure pour justifier le gavage
« Le droit français s’est affranchi de transposer et de respecter le droit européen pour continuer de gaver des canards et des oies« , alerte Brigitte Gothière. Pour justifier cette plainte, les avocats de L214 ont en effet étudié la directive européenne 98/58/CE concernant la protection des animaux dans les élevages. Le droit français l’a transposé notamment au travers de l’arrêté du 30 mars 2000 modifiant l’arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l’élevage, la garde et la détention des animaux. Problème : cette transposition partielle a laissé de côté un article important. Selon lui, « aucun animal n’est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles« . L214 rappelle que c’est justement ces souffrances qui ont justifié l’interdiction du gavage en Italie.
Ensuite, tout comme la loi associe le cuir à la transformation de la peau d’un animal, la définition réglementaire du foie gras l’associe à la pratique du gavage. Cela est une exception française. Depuis 2006, en France, « on entend par foie gras, le foie d’un canard ou d’une oie spécialement engraissé par gavage« , selon le Code rural et de la pêche maritime. Cette définition empêche le développement de méthodes alternatives au gavage pour fabriquer du foie gras. Dès lors que le gavage serait une pratique entraînant des « souffrances ou des dommages inutiles » contraire au droit européen, elle ne pourrait être inscrite dans la loi française. L214 y voit une deuxième violation du droit européen.
Les avocats de L214 ont également relevé une traduction déformée de la définition du foie gras dans la version française du règlement 543/2008/CE qui concerne les normes de commercialisation pour la viande de volaille. La version anglaise utilise simplement le mot « fed, pas force-fed », relève L214 pour « alimentés » et non pour « alimentés de force« . Une troisième violation du droit européen pour L214.
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Une définition européenne du foie gras selon leur poids
« Dans la règlementation européenne, l’appellation foie gras se définit sur le poids des foies et non pas sur la méthode d’obtention », partage Brigitte Gothière. En effet, ce même règlement 543/2008/CE précise qu’un foie gras de canard doit avoir un poids net d’au moins 300 grammes. Un foie gras d’oie doit peser pour sa part au moins 400 grammes. La définition française rentre donc en contradiction avec cette loi européenne, puisqu’elle interdit la vente de produits sous l’appellation « foie gras » obtenus par une autre méthode que la gavage. Et ce, même s’ils font le poids suffisant. L214 y voit une entrave à la libre circulation des marchandises.
Enfin, l’État français s’était engagé à soutenir la recherche d’alternatives au gavage par la recommandation du 22 juin 1999 concernant les canards de barbarie (Cairina moschata) et les hybrides de canards de barbarie et de canards domestiques (Anas platyrhynchos). Mais cette promesse reste lettre morte juge L214.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste de Natura Sciences