L’élevage industriel contribue à une panoplie de problèmes environnementaux. On comptabilise, entre autres, pollution de l’air,E des sols et de l’eau, changement climatique, dégradation des terres, déforestation, perte de la biodiversité… La contribution de l’élevage aux problèmes environnementaux est massive.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le secteur de l’élevage est responsable de 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’est plus que la totalité des émissions du secteur des transports (12 %) lorsque l’on additionne les rejets des automobiles, des camions, des avions, des trains et des navires. [1] Il serait donc plus efficace que l’humanité se passe de viande plutôt que d’arrêter de se déplacer pour combattre le réchauffement climatique.
Rappelons que tous les gaz à effet de serre ne sont pas égaux quant à leur pourvoir de réchauffement. Par exemple, à quantités d’émissions égales, le méthane réchauffe 23 fois plus l’atmosphère que le CO2 et le protoxyde d’azote 296 fois plus. Alors, quand ont sait que l’élevage émet 9 % du CO2 anthropique, 37 % du méthane et 65 % du protoxyde d’azote dus aux activités humaines, on a une meilleur idée des dégâts qu’il génère. Ajoutons à ces chiffres que la volatilisation des déjections animales est responsable de 68 % du total des rejets d’ammoniac. L’ammoniac n’est pas un gaz à effet de serre, mais contribue à la formation des pluies acides par la formation d’acide nitrique et est responsable de l’acidification des eaux et des sols observée depuis quelques années.
Les émissions de gaz à effet serre liées à l’élevage ne sont pas simplement dues au méthane libéré par les pets et les rots des animaux ou le protoxyde d’azote libéré par les excréments. Il faut également comptabiliser les émissions indirectes liées aux cultures pour l’alimentation du bétail : usage et changement d’usage des sols, protoxyde d’azote dû à la fertilisation des cultures et énergie des appareils utilisés. Par changement d’usage des sols, on entend, par exemple, les émissions dues à la déforestation ou au remplacement d’une prairie par des champs cultivés. En effet, quand il n’y a plus assez de prairies naturelles, plutôt que de se limiter, l’Homme préfère en « fabriquer ». Une autre étude publiée, cette fois-ci, par la Commission européenne, estime que l’élevage est responsable de 13 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union. [2] Cette étude comptabilise l’usage des sols dans les pays qui exportent les aliments pour le bétail vers l’Europe. Il ne faut en effet pas oublier qu’en Amazonie et dans le reste de l’Amérique latine, les pâturages sont responsables de 70 % des déboisements, selon les chiffres de la FAO. Le reste de la déforestation est en bonne partie dû au soja OGM qui sert également à nourrir ces animaux. Cette culture se développe au détriment des cultures vivrières et des écosystèmes naturels.
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Le plein d’eau, s’il vous plaît !
L’élevage est très gourmand en eau et en céréales. En France, il réquisitionne les deux tiers des terres agricoles, que ce soit en pâturages ou en cultures de plantes pour l’alimentation des animaux. [3] À lui seul, l’élevage consomme presque la moitié de toute l’eau destinée à la production d’aliments. D’après le Water Foot Print, s’il faut 900 litres d’eau pour produire un kilo de pommes de terre, il en faut 3 900 pour un kilo de poulet, 3 300 pour un kilo d’œufs, 4 800 pour un kilo de porc, 6 100 pour un kilo de mouton et 15 500 litres pour obtenir un kilo de bœuf ! [4]
En pratique, la FAO estime qu’il faut 4 calories végétales pour produire une calorie sous forme de viande de porc, de volaille ou d’œuf. Mais il en faut 8 pour produire une calorie de lait et 11 pour produire une calorie de mouton ou de bœuf. Explicitons. Plus on se nourrit directement de calories végétales, moins on utilise de terres agricoles pour produire de la nourriture pour les animaux, et plus on libère des terres pour produire des céréales pour le milliard d’êtres humains sous-alimenté. En consommant moins de viande, on pourrait immédiatement nourrir tout le monde en redistribuant les céréales « perdues » à alimenter les animaux.
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Du soja à ne plus en pouvoir
La majorité des aliments pour animaux est produite en France et une petite partie provient des pays de l’Union Européenne. 20 % vient tout de même de l’extérieur de l’Union, notamment pour les tourteaux de soja et les huiles de poisson. La France est le plus gros pays importateur et consommateur européen de tourteaux de soja. Elle ne produit sur place que 2 à 3 % de sa consommation et importe 5 millions de tonnes de soja par an provenant principalement du Brésil et de l’Argentine. 80% de ce soja est génétiquement modifié. Le cheptel français mange donc largement des aliments génétiquement modifiés.
Dans Argentine, Le soja de la faim, Marie-Monique Robin montre comment ce soja transgénique détruit la terre, pollue l’environnement, provoque des maladies et entraîne des mouvements de populations expulsées de leurs terres au profit des grands propriétaires. L’expansion de la monoculture de soja continue vers le nord de l’Argentine, entraînant la déforestation des forêts, réputées pour leur biodiversité végétale et animale. Sous les épandages de pesticides, les sols s’altèrent, s’érodent et perdent leur perméabilité, entraînant une augmentation du ruissellement. Les ressources en eau sont très perturbées. Les crues soudaines augmentent, l’ensablement s’accroît et la pollution de l’eau par des résidus de pesticides et d’engrais s’accentue. Les dégâts semblent être irréversibles.
Le Brésil est le quatrième pays émetteur de gaz à effet de serre, notamment à cause de la déforestation et du changement d’affectation des sols au profit de l’agriculture. L’agriculture et la déforestation sont responsables des trois quarts des émissions du pays. Soja, canne à sucre et élevage constituent un cocktail complexe et explosif de facteurs de déforestation et monopolisent déjà près de 80 % des terres agricoles du Brésil. L’Europe est l’un des importateurs les plus importants de soja brésilien, le premier importateur d’éthanol et parmi les 4 principaux importateurs de bœuf brésilien, selon les Amis de la Terre. L’étude du WWF sur la Monoculture de soja donne des chiffres édifiants : « Un Français mange en moyenne 92 kg de viande, 250 œufs et une centaine de kilos de produits laitiers chaque année, ce qui nécessite une surface cultivée en soja de 458 m2 par habitant pour répondre aux besoins en alimentation animale. Ainsi, un Français est responsable de la déforestation de 16 m2 de forêt amazonienne par sa consommation de viande». [7]
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com
Références
[1] Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’agriculture (FAO), L’ombre portée de l’élevage – impacts environnementaux et options pour leur atténuation. Rome, 2009
[2] « Evaluation of the Livestock Sector’s Contribution to the EU Greenhouse Gas Emissions », Joint Research Centre, mars 2010
[3] Mission Climat de la Caisse des Dépôts, Agriculture et réduction des émissions de gaz à effet de serre, Note d’étude n°6, septembre 2005, p. 3.