Le frelon asiatique, prédateur de l’abeille, participe activement aux surmortalités observées dans les colonies d’abeilles. Depuis des années, l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF) demande en vain une lutte au niveau national et une coordination du piégeage de printemps des fondatrices.
Alors que la France est le pays le plus colonisé par le frelon asiatique en Europe, le soutien des apiculteurs demeure insuffisant, alerte l’UNAF. « Nous demandons à l’État de préparer dès aujourd’hui la lutte de 2021, alerte Christian Pons, président de l’UNAF. S’il est aujourd’hui impossible d’éradiquer cette espèce, des preuves scientifiques émergent et montrent que des méthodes sont efficaces pour protéger les ruches mais ces dernières supposent une lutte coordonnée à l’échelle d’un territoire qui doit être préparée dès aujourd’hui ».
Le frelon asiatique présent dans toute la France
Selon le Muséum National d’Histoire Naturelle, le frelon asiatique est aujourd’hui présent dans tous les départements de la France métropolitaine, à l’exception de la Corse. Il a également gagné l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Belgique et l’Allemagne. La France a classé le frelon asiatique en danger sanitaire de 2e catégorie pour les abeilles en 2013. Mais ce classement n’impose pas de plan de lutte obligatoire au niveau national.
Pour le moment, il n’y a aucune réelle coordination de lutte au niveau national. Pour lutter contre l’attaque des ruchers par les frelons asiatiques, l’État a mis en œuvre le « piégeage de protection du rucher ». Celui-ci consiste en « l’installation au rucher, pendant les périodes estivales et automnales, de dispositifs de piégeages de masse d’ouvrières de V. Velutina », explique l’ITSAP, l’Institut de l’abeille. « Son objectif est la capture d’ouvrières afin de réduire la claustration des colonies d’abeilles et de maintenir l’activité de butinage, tout en minimisant les atteintes aux insectes non cibles », précise-t-il. Ces moyens de lutte sont généralement à la charge des apiculteurs, parfois avec le soutien de collectivités locales.
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Aller au-delà du rucher pour éradiquer les nids de frelons asiatiques
Pour l’UNAF, ce piégeage au rucher est insuffisant. « Si on ne piège qu’au niveau du rucher, on n’empêche pas le pillage des frelons sur les ruches l’été venu et on n’empêche en rien la prolifération des frelons », regrette Gilles Lanio, apiculteur et ancien président de l’UNAF. Car lorsqu’un nid se développe, les ouvrières ont un terrain de « chasse » beaucoup plus vaste. « Si les fondatrices ont un terrain de chasse d’environ 300 m autour du lieu de nidification, les ouvrières prospectent jusqu’à 3 km pour chercher de la nourriture », prévient-il.
La destruction systématique des nids est un pilier important de la lutte contre le frelon asiatique. Mais, plutôt que de piéger les milliers de frelons ouvriers des nids, il serait plus efficace de piéger les reines fécondées au printemps. Le piégeage se ferait ainsi avant qu’elles ne pondent. L’union apicole demande donc un piégeage de printemps, au-delà des ruchers, pour intercepter les reines. « Un nid de frelon en fin de saison peut lâcher 400 à 500 reines qui vont passer l’hiver au chaud. A la fin de l’hiver, ces reines vont devoir chercher un endroit pour faire un nid », détaille Gilles Lanio. Ces reines doivent donc être interceptées avant qu’elles n’aient le temps de fonder leur nid.
Un piégeage de printemps des reines à coordonner au niveau national
Le piégeage proposé par l’UNAF est sélectif. « Nous préconisons un piégeage de printemps qui va de février à début mai pour intercepter les reines qui à ce moment là doivent assumer toutes seules leur alimentation », expose-t-il. Un tel piégeage de grande envergure à ce moment sur le territoire permettrait de faire reculer la pression des frelons. La méthode est déployée depuis plus de 3 ans dans le Morbihan et satisfait la communauté apicole.
Un tel piège sélectif tuera quelques insectes utiles, reconnaît l’UNAF. Mais un nid de frelon peut consommer de 3.500 à 15.000 équivalent abeilles par jour au mois de septembre. Il faudra donc sacrifier quelques insectes pour sauver de nombreuses abeilles. Au moment où la filière apicole connait des surmortalités d’abeilles chroniques et multifactorielles, l’implication de l’état et le classement de ce frelon en danger sanitaire de catégorie 1 est capital pour l’avenir de l’apiculture française.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste de Natura Sciences