La cour d’appel de Versailles a jugé que la dissolution de Syngenta Seeds, filiale à 100% de Syngenta France, était légale, estimant que « la seule date » de la dissolution ne pouvait suffire à caractériser la fraude. Dans ce dossier, l’entreprise était poursuivie pour avoir fait déverser dans les champs d’un agriculteur ses semences périmées enrobées de toxiques, notamment de l’insecticide Gaucho, nuisible pour les abeilles.
La société Syngenta Seeds Holding avait été renvoyée devant le tribunal correctionnel par une ordonnance du 16 novembre 2011. 5 jours plus tard, le groupe Syngenta dissolvait la société. « En droit, la dissolution d’une société produit les mêmes effets qu’un suicide, c’est-à-dire que la personne n’existe plus et l’action publique s’éteint », rappelle Maître Bernard Fau. Le Procureur de la République de Paris avait alors entrepris de poursuivre devant le juge commercial du Tribunal de Commerce l’annulation de la décision de dissolution.
« Le 18 mars 2015, le tribunal de Commerce de Versailles, saisi par le Procureur de la République de Paris, a prononcé l’annulation de l’opération de dissolution de la société Syngenta Seeds Holding en raison d’une fraude à la loi pénale », révèle Maître Bernard Fau, Avocat à la Cour de Paris et Avocat de l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF). En cause notamment, la presque concommitance de l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction et de la décision de dissolution.
Mais Syngenta a fait appel de cette décision, et a obtenu gain de cause le 26 janvier 2016. La cour d’appel de Versailles a jugé que la dissolution de Syngenta Seeds était envisagée depuis 2010 et que « la seule date » de la dissolution ne pouvait suffire à caractériser la fraude. Joint par l’AFP, le parquet général de Versailles a déclaré ne pas vouloir se pourvoir en cassation. Il a néanmoins jusqu’au 26 mars pour faire part de sa décision finale. Le tribunal correctionnel de Paris devrait donc mettre fin à ses poursuites contre le défunt Syngenta Seeds. Le procès à venir ne concernerait donc plus que l’exploitation agricole de Verteuil-d’Agenais, dans le Lot-et-Garonne, qui a enfoui les semences incriminées.
Lire aussi : L’AMM des pesticides désormais aux mains de l’Anses
Pourquoi dissoudre Syngenta Seeds ?
La dissolution permettait d’annuler toute poursuite dans ce dossier de « décharge chimique illégale ». En juillet 2003, deux syndicats professionnels et l’UNAF s’étaient portés partie civile devant le doyen des juges d’instruction de Marmande (Lot-et-Garonne). Ils dénoncaient la pratique de certains semenciers et producteurs de produits phytopharmaceutiques qui consistait à déverser sur les champs leurs semences périmées enrobées de pesticides et écouler ainsi leurs stocks. Ces grandes sociétés avaient entrepris de mettre en oeuvre un procédé qu’ils qualifiaient de « semis haute densité ». Il consistait en réalité à livrer des tonnes de semences enrobées et périmées à des agriculteurs pour les épandre sur leurs terres.
Cette pratique était évidemment totalement illégale, mais revenait beaucoup moins chère que l’incinération obligatoire. « Les mesures révélées par l’enquête ont montré que parfois, cela allait jusqu’à 50 cm d’épaisseurs de semences sur les champs répandues au camion benne », rappelle Maître Bernard Fau, Avocat à la Cour de Paris et Avocat de l’UNAF. Les enquêteurs ont constaté que l’agriculteur incriminé avait éliminé 922 tonnes de semences déclassées entre 1999 et 2003.
La pratique serait de plus en plus répandue : des entreprises créent des filiales qui supportent seules le risque environnemental. Lorsque le risque industriel se réalise, l’entreprise est dissoute et ne peut plus être poursuivie. « Il y a une nécessité dans tous les dossiers environnementaux de modifier la loi sur la responsabilité pénale des personnes morales pour éviter que ce type de situation ne se reproduise ou se multiplie, comme c’est le cas malheureusement actuellement », avertit Maître Bernard Fau.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.coms.com
Il y a quelque chose de bizarre dans cette affaire, ou alors je ne comprend pas l’article, le semis haute densité existe, mais n’a rien à voir avec l’épandage de un demi mètre d’épaisseur de semences, je n’ai jamais entendu parler d’une telle pratique. Cela reviendrait à empêcher toute culture sur un tel champ pendant facilement 10-2 ans, sans compter que la concentration massive de telles doses de pesticides est sans doute totalement illégale. Quel agriculteur se prêterait au jeu, si cela condamne son gagne-pain ? Bizarre…
Pour plus d’informations sur les pratiques de l’agriculteur mis en cause, je vous invite à lire cet article de La dépêche. Extrait : « En trois ans, de juin 1999 à août 2002, pas moins de 922 t de semences avaient ainsi été répandues dans les champs de l’agriculteur marmandais. Ce qui lui avait rapporté la somme de 340 000 francs (environ 52 000 €). » http://www.ladepeche.fr/article/2012/02/21/1289019-marmande-le-proces-des-semences-toxiques.html