La composition d’un produit d’entretien permet de contrôler la pollution directe qu’il génère lorsqu’il est rejeté dans l’environnement. Mais on oublie trop souvent la pollution de l’air intérieur qu’il génère. On peut être surpris par certains résultats : tous les produits d’entretien, écologiques ou non, polluent cet air intérieur.

Les concentrations en aérosols organiques et en formaldéhyde augmentent systématiquement dans l’air intérieur lors de l’utilisation de produits d’entretien. PHOTO//DR
L’Institut national de l’environnement et des risques industriels (Ineris), le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l’Ircelyon ont étudié les émissions de polluants volatils issus de 54 produits d’entretien dans l’air intérieur de nos maisons. Ce projet fournira des informations pour le projet d’’étiquetage des produits d’entretien prévu par le Plan d’actions sur la qualité de l’air intérieur.
Dans l’air intérieur, toutes les surfaces émettent des polluants, que cela soit des composés organiques volatils (COV), des perturbateurs endocriniens ou autres. Ainsi, les murs, plafonds, meubles, équipements électriques sont de discrets pollueurs. Ce projet s’est intéressé à l’interaction des produits émis par les produits d’entretien et ceux déjà présents dans l’air intérieur. Pour ce faire, 54 produits d’entretien de différentes typologies (nettoyants de salle de bain, parquets, vitre,…) et de conditionnements différents (à diluer, poudre, lingette, etc.), représentatifs des produits utilisés par les ménages ont été testés. Ces produits étaient issus de marques différentes : marques de distributeurs, grandes marques, marques dites écologiques et 1er prix.
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Caractériser les émissions des produits d’entretien
Il y d’abord eu une phase de caractérisation des émissions de chaque produit. Tous les composés émis à plus de 1 µg/m3 ont été mesurés. Pour certains produits, plus de 300 substances ont ainsi été mises en évidence, mais pas toujours identifiées. Cette phase a permis de constituer une base de données sur les produits d’entretien avec l’identification de près de 200 composés émis.
« Dans plus de 5 % des produits, on avait une cinquantaine de composés volatils identifiés », explique Mélanie Nicolas, ingénieur de recherche au CSTB. Le formaldéhyde est retrouvé dans 91 % des produits et le limonène dans près de la moitié des produits. « Le limonène possède une capacité à réagir avec les autres substances présentes dans l’air intérieur », précise Mélanie Nicolas. Il est émis naturellement par tous les produits bois, mais est placé dans les produits d’entretien uniquement pour des raisons olfactives. « Ces composés vont ensuite réagir avec les autres substances présentes dans l’air intérieur et former des sous-produits », prévient la scientifique.
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Des essais en maison expérimentale
L’autre phase du projet a été de sélectionner les produits les plus réactifs et de les utiliser dans une maison expérimentale. Des scénarios avec un seul ou plusieurs produits ont été testés en hiver et en été pour étudier la réactivité des produits avec l’ozone. « L’ozone est un polluant d’intérêt très important pour l’air extérieur et va pouvoir rentrer dans les habitations par les systèmes de ventilation. Il va réagir avec les polluants de l’air intérieur et les polluants émis par les produits d’entretien », met en garde Mélanie Nicolas.
Des produits de réaction secondaire ont ainsi été mis en évidence, notamment du formaldéhyde et des aérosols organiques secondaires qui sont des particules fines. « Cela nous a permis de mettre en évidence l’ozonolyse du limonène qui aboutit à la formation de formaldéhyde », commente Mélanie Nicolas. « On s’est aperçu qu’il y avait d’autres sources d’aérosols organiques secondaires qui n’étaient pas seulement liés à la réactivité de l’ozone, mais aussi à la réactivité des amines, présents dans les produits d’entretien, avec d’autres composés » ajoute-t-elle.
On constate ainsi une augmentation systématique des concentrations en aérosols organiques et en formaldéhyde lors de l’utilisation de produits ménagers. « Bien que ces aérosols organiques secondaires soient peu importants en masse, ils sont constitués de substances qu’il convient de prendre en compte du point de vue sanitaire. Outre le formaldéhyde aux effets reconnus, on compte de nombreuses particules de petite taille (<100 nm) et des composés oxygénés (comme le méthylglyoxal et le 4-oxopentanal) dont les effets sur la santé sont suspectés. Ces composés sont présents sous forme gazeuse et particulaire » complète le rapport.
« La base de donnée sur les émissions de produits d’entretien est directement exploitable par tous les modèles de prévision de l’exposition des usagers et est directement utilisable par les pouvoirs publics pour la mise en place d’un étiquetage sur les produits d’entretien qui est une des actions du plan de qualité air intérieur » conclut Mélanie Nicolas.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com