Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi en Martinique, dans les Antilles françaises, contre la menace de prescription dans le dossier du chlordécone. Cet insecticide a empoisonné l’île et la Guadeloupe voisine, où la mobilisation a démarré plus timidement.
« Non à l’impunité » : voici le slogan d’une quarantaine d’associations, syndicats et partis politiques de l’île qui avaient appelé au rassemblement ce samedi. Selon les organisateurs, ce maître mot a rassemblé entre 10 et 15.000 personnes. Et 5.000 selon la police.
« On n’avait jamais vu une manifestation aussi importante depuis 2009″ et la grève générale contre la vie chère », a réagi Francis Carole, président du Parti pour la libération de la Martinique (Palima) et conseiller exécutif chargé des Affaires sanitaires de la collectivité territoriale. Pour lui, les Martiniquais se sont mobilisés face « au crachat que nous a lancé l’État français, à savoir la menace de prescription ».
Et si l’affaire chlordécone était classée sans suite?
Le gouvernement a annoncé mercredi le lancement d’un quatrième plan chlordécone pour la période 2021-2027 doté de 92 millions d’euros. Son objectif sera de lutter contre les conséquences de la pollution à long terme de cet insecticide aux Antilles. Et ce, alors que le chlordécone contamine plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique, selon Santé publique France. En plus, les Antillais présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.
Mais c’est une autre affaire qui a conduit à la mobilisation de samedi. Dès 2006, plusieurs associations de Martinique et Guadeloupe ont déposé plainte contre l’empoisonnement de leurs îles au chlordécone. Les juges d’instruction parisiens en charge de l’affaire les ont auditionnées les 20 et 21 janvier. Les juges d’instruction chargés de l’affaire depuis 2008 ont expliqué aux plaignants qu’il pourrait y avoir prescription des faits. Donc le dossier pourrait déboucher sur un non-lieu.
La mobilisation a été plus timide en Guadeloupe, où 300 personnes, selon la CGT locale, syndicat organisateur, ont participé à une manifestation simultanée à Capesterre-Belle-Eau. « Je me réjouis qu’il y ait un réveil mais il est tardif, c’est bien triste », a déploré auprès de l’AFP l’avocat Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitre.
Une troisième manifestation simultanée a eu lieu à Paris. Un peu plus de 200 personnes se sont rassemblées place de la République.
Le chlordécone a été autorisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies des Antilles, polluant eaux et productions agricoles. Et ce, alors que l’on connaissait sa toxicité et son pouvoir persistant dans l’environnement depuis les années 60.
Matthieu Combe avec AFP