Comment étendre les consignes de tri? Peut-on recycler 100% des plastiques? Quelle économie circulaire pour le plastique? Carlos de Los llanos, Directeur Recyclage de Citeo [l’éco-organisme résultant du rapprochement d’Eco-Emballages et Ecofolio], répond aux questions de Natura-Sciences.
N.S.: Combien y a-t-il de centres de tri en France? Combien répondent déjà à l’extension des consignes de tri?
Carlos de Los Llanos : On a un peu plus de 200 centres de tri en activité en France, soit environ un centre de tri pour 300.000 habitants. Mais c’est trop. Les technologies qui existent aujourd’hui nécessitent des centres de tri de taille supérieure. D’ici 5 ans, il devrait y avoir entre 120 et 130 centres de tri sur le territoire.
On a déjà procédé à une phase d’extension sur 15 millions d’habitants, le quart du territoire. Les poubelles jaunes y acceptent désormais tous les emballages en plastique : sacs, films souples, barquettes, pots de yaourts, etc. La loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit une couverture nationale d’ici fin 2022. Cela laisse cinq ans aux centres de tri pour assurer leur mutation industrielle. Cette dernière sera progressive à travers 4 vagues successives d’appels à projets étalés de 2018 à 2021. L’ensemble des acteurs devront se positionner sur cette période.
N.S.: Quelle part des plastiques recycle-t-on en France? Comment augmenter ce taux?
Carlos de Los Llanos : La France ne recycle encore que 24% de ses plastiques, presque uniquement des bouteilles et des flacons. Une fois l’extension des consignes de tri réalisée, ce taux grimpera autour de 40%. Il faudra travailler sur la recyclabilité et l’éco-conception des produits pour atteindre 55%. Pour espérer aller au-delà, il faudra développer les technologies de recyclage chimique, notamment de dépolymérisation des plastiques. Cela est possible : sur l’ensemble des emballages plastiques, entre 70 et 80% sont techniquement recyclables. Mais c’est la rentabilité qui fait souvent défaut. En fin de compte, il faudra accepter qu’une part de ces emballages soit valorisée énergétiquement, notamment les emballages dits complexes ou multi-résines.
Les emballages représentent environ 250.000 tonnes de plastique à recycler. Quelques flux partent à l’étranger, mais on vise à développer le recyclage en France ou en Europe pour développer l’outil industriel. L’extension des consignes de tri, c’est environ 2 kg de plastique en plus par habitant et par an pour un total de 130.000 tonnes. En même temps que l’on fait l’extension plastique, on pousse au développement d’une industrie du recyclage. Il faut des débouchés importants et non pas confidentiels. Par exemple, il n’y a pas de capacités de recyclage pour les films souples en France, mais des entreprises sont en train de se créer. Il faut les encourager.
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N.S.: Ne croyez-vous donc pas à l’objectif de recycler 100% des plastiques en 2025, comme fixé par le Plan Climat?
Carlos de Los Llanos : On ne pourra pas recycler 100% des plastiques, mais on défend l’idée de 100% de valorisation en 2025. Tous les emballages en plastique pourront être mis dans la poubelle jaune. Tout ce qui est recyclable le sera, le reste partira en valorisation énergétique. Il n’y aura aucun plastique en décharge.
En revanche, que dit-on aux habitants? Ils ne veulent pas être trompés. On doit leur dire qu’on va faire la meilleure valorisation possible : tout ce qui est recyclable doit être recyclé. Il y a la solution de l’incinération avec valorisation énergétique. Lorsqu’elle n’existe pas, il y a le développement des filières de combustibles solides de récupération (CSR),car le plastique est très bon pour cela. On l’utilise dans les incinérateurs, en cimenterie, dans les fours à chaud ou dans des chaudières dédiées. La valorisation énergétique, c’est le complément nécessaire, indispensable, à l’extension des consignes de tri des plastiques pour pouvoir dire aux habitants que tout ce qui rentre dans le bac jaune sera valorisé de la meilleure façon en fonction des technologies disponibles.
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N.S.: Peut-on tout recycler en boucle?
Carlos de Los Llanos : Le plastique à recycler est un matériau qui doit être travaillé. On peut le trier pour lui donner la meilleure qualité possible. Le meilleur PET pourra par exemple repartir en emballage alimentaire. Il y a d’autres plastiques de qualités plus basses qui peuvent aller dans d’autres applications un peu moins demandantes, comme des polaires, des cintres ou des arrosoirs. Mais le recyclage en boucle parfait n’est pas opérationnel et dépend des technologies de recyclage. Pour demain, on essaye d’améliorer les nouvelles technologies chimiques. Il va falloir au revenir au polymère de base, mais c’est encore embryonnaire. Carbios fait de la dépolymérisation, avec des enzymes, mais c’est encore fait en laboratoire pour le moment, nous avons besoin d’usines de tailles industrielles.
N.S.: Que dîtes-vous aux personnes qui veulent faire interdire le plastique jetable et craignent les perturbateurs endocriniens ?
Carlos de Los Llanos : Je suis d’accord pour supprimer les usages inutiles, mais il ne faut pas aller trop loin. Le plastique est un emballage jetable, mais il sert à protéger le produit, optimiser la logistique, gérer les protections sanitaires. Dire qu’il faut supprimer le plastique dans l’emballage est absurde et serait néfaste pour l’environnement.
Les gens qui s’inquiètent des perturbateurs endocriniens, c’est parfaitement légitime. L’industrie doit être transparente et leur expliquer dans quelles plastiques il y a du bisphénol ou des phtalates. Lors du recyclage, il faut leur assurer que ces résines ne repartiront pas dans des applications alimentaires.
Propos recueillis par Matthieu Combe, fondateur du pure-player Natura-sciences.com, à l’occasion des Assises des Déchets de Nantes le 27 septembre 2017