Alors que le Conseil d’État avait annulé plusieurs autorisations de chasse délivrées par le ministère de la Transition écologique, jugées comme n’étant « pas conformes aux exigences du droit européen relatif à la protection des oiseaux », le gouvernement souhaite voir cette décision annulée afin d’autoriser entre autres la chasse traditionnelle d’oiseaux.
Une avancée pour la préservation de la biodiversité et la protection des oiseaux est sur le point de s’envoler. Il y a quelques mois, le ministère de la Transition écologique avait délivré de nombreuses autorisations de chasse. C’était sans compter sur le Conseil d’État qui, en août, a fait annuler plusieurs d’entre elles, les rendant ainsi des pratiques illégales. Mais le gouvernement n’en démord pas, et ce 15 septembre, le ministère de la Transition écologique a décidé de mettre en consultation huit de ses autorisations sur le sujet. Parmi ces pratiques, il serait donc possible de voir revenir la chasse traditionnelle d’oiseaux.
Par cette consultation, les citoyens sont désormais appelés à se prononcer sur le sujet. “Cette consultation va durer vingt jours. Chacun des citoyens peut aller sur le site du ministère et donner son avis. Le gouvernement est obligé de lancer cette consultation pour ensuite prendre de nouveaux arrêtés en fonction, mais il est très probable qu’il ne tienne pas compte des résultats » redoute Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Cette consultation reste ouverte jusqu’au 6 octobre prochain, et en attendant le résultat, ces pratiques de chasse restent interdites.
Menace supplémentaire pour la biodiversité
La chasse d’espèces telles que les vanneaux huppés, les pluviers dorés, les alouettes des champs, les grives et merles noirs avec des filets (pantes, matoles) ou de cages (matoles), est donc, pour l’instant, toujours illégale. Une interdiction qui a été annoncée durant l’été par le Conseil d’État car « ces autorisations délivrées par le ministre chargé de l’Environnement ne sont pas conformes aux exigences du droit européen relatif à la protection des oiseaux » selon le Conseil d’État. Mais le gouvernement compte bien voir ses premières autorisations de chasse appliquées comme il l’avait prévu. « Il y a moins de quinze jours le président Macron clamait l’exemplarité de la France en matière de biodiversité lors du congrès mondial de l’UICN à Marseille, et on constate qu’il trahit ses propos dans la mesure où il veut relancer des chasses traditionnelles qui sont condamnées par l’Union européenne, dénonce Alain Bougrain Dubourg auprès de Natura Sciences. C’est d’autant plus inacceptable quand on sait que la France va présider l’Europe à partir du mois de janvier, c’est un très mauvais signal« , déplore-t-il.
Le programme de suivi temporel des oiseaux communs (Stoc) a pourtant souligné que les populations d’oiseaux ont chuté de 28% dans les milieux urbains et de 30% dans les milieux agricoles entre 1989 et 2019, à cause des activités humaines en France. « L’alouette des champs par exemple, a perdu près de 35% de ses effectifs en 15 ans. Or, le projet va conduire, en plus des 200.000 alouettes tuées au fusils, à avoir la possibilité d’en capturer 100.000 de plus avec des pièges. Là on commence à parler d’espèces qui sont extrêmement fragiles et pour lesquelles le déclin va s’accélérer avec la chasse« , s’inquiète le président de la LPO. Il tient également à rappeler, « on parle tout de même d’un loisir. On va générer des souffrances, des maltraitances, des agressions à des espèces fragiles, pour le plaisir. Ce n’est pas une régulation, ce n’est pas une nécessité alimentaire. On est pas en temps de disette ou en temps de guerre, pour tuer les petits oiseaux et permettre à la population de se nourrir« .
Une décision prise à trois jours de manifestations de chasseurs
Cette insistance du gouvernement pour voir s’appliquer les autorisations de chasse traditionnelle d’oiseaux semble donc incompatible avec une volonté affichée de préserver la biodiversité. Cette décision d’aller à l’encontre du Conseil d’État et de de procéder à une nouvelle consultation en vue de nouveaux arrêtés, survient à trois jours de manifestations de chasseurs prévues dans plusieurs départements en France. Hasard du calendrier? Le ministère se justifie en indiquant qu’il s’agit de « sortir par le haut du débat sur les chasses traditionnelles en permettant au juge de se prononcer définitivement sur leur conformité au cadre légal européen sur la préservation des oiseaux« .
Pour Allain Bougrain Dubourg, « c’est le président de la république qui a des amitiés particulières avec les chasseurs, et il pense qu’en les caressant dans le sens du poil, il va obtenir la reconnaissance du monde rural. Or les ruraux aujourd’hui ne sont pas des chasseurs, ce sont des personnes qui vivent à la campagne et leur obsession n’est pas de décrocher un fusil et de tuer tout ce qui passe. Le nombre de chasseurs est en effondrement, donc je crois que c’est une très mauvaise stratégie politique« .
Ouns Hamdi