Au fil des mois, les 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont essuyé les reculs du Gouvernement. Avec le projet de loi qui en découle, le ras-le-bol naît au sein des associations écologistes.
Le Gouvernement a transmis à diverses parties prenantes le projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Censé concrétiser plusieurs mesures parmi les 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, il contient 62 articles répartis en 5 titres. Éventuellement modifié, il passera ensuite devant le Conseil d’État pour avis juridique. Le texte de loi sera ensuite présenté le 10 février en Conseil des ministres. S’en suivra une première lecture fin mars à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement vise une adoption définitive du projet de loi à la fin de l’été.
Comme l’avait expliqué Emmanuel Macron en décembre devant les membres de la Convention citoyenne pour le climat, le Gouvernement rappelle que plusieurs mesures parallèles existent. La loi de finances et d’autres textes réglementaires complètent le projet de loi. D’autres dispositions relèvent d’engagements internationaux ou européens comme la taxation de l’aérien. La modification de la Constitution fait pour sa part l’objet d’un projet de loi constitutionnel à part entière. Il sera présenté le 20 janvier en Conseil des ministres. Un sixième titre concernant la création du délit d’écocide devrait prochainement s’ajouter au texte.
Un projet de loi vivement critiqué par les ONG écologistes
Le Réseau Action Climat déplore « le manque flagrant d’ambition » du texte. « Le projet de loi Climat sabote le travail des 150 et condamne le respect des objectifs climatiques de la France », s’insurgent pour leur part Les Amis de la Terre. Les ONG relèvent des propositions structurantes amoindries dans leur périmètre ou leur date de mise en œuvre, des obligations remplacées par des expérimentations, de l’auto-régulation et des engagements volontaires.
Pour rappel, les mesures de la Convention citoyenne pour le climat doivent relever le défi de réduire de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030. Depuis, l’Europe a adopté un nouvel objectif européen de réduction des émissions de 55% à cette date. En l’état, le projet de loi risque fort de ne pas être à la hauteur. La balle se trouve désormais dans le camps des parlementaires pour revoir l’ambition du projet de loi proposé.
Gaz à effet de serre, trafic aérien, publicité et autres reculs en cascade
L’association Les Amis de la Terre relève que le projet de loi refuse toute obligation de réduction des émissions pour les grandes entreprises. Il écarte toute conditionnalité des aides publiques au respect d’une trajectoire de réduction des émissions conforme à l’Accord de Paris. Ainsi, même si les entreprises du CAC40 représentent environ 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, aucune conditionnalité des aides ne pointe le bout de son nez.
Le Réseau Action Climat analyse pour 15 mesures structurantes, l’écart entre les propositions initiales et le texte proposé. Par exemple, l’encadrement du trafic aérien se réduit à son strict minimum. L’interdiction des vols intérieurs ne concerne que les seules liaisons ayant une alternative sans correspondance en train en moins de 2h30. Le texte prévoit aussi plusieurs exceptions à l’interdiction de l’extension des aéroports. Surtout, l’augmentation de la taxe carbone sur l’aérien ne verra le jour que si le trafic retrouve son niveau d’activité de 2019 en nombre de passagers.
Les reculs se succèdent en cascade : le malus poids lourd ne concerne que 2% des véhicules vendus, l’option végétarienne quotidienne obligatoire dans les cantines restera optionnelle et à titre expérimental… Le texte ne fait aucune mention au chèque alimentaire annoncé par Emmanuel Macron. L’obligation de la consigne en verre voulue par la Convention devient une éventualité. Elle « pourra notamment être généralisée à partir de 2025″, prévoit le texte. Comme Emmanuel Macron l’avait annoncé devant les membres de la convention en décembre, le texte ne prévoit pas d’obligation de rénovation globale des logements. Simplement, il prévoit une interdiction de hausse des loyers des passoires thermiques. D’ici 2028, ces dernières devront atteindre un seuil de performance minimum pour prétendre à la location.
La redevance sur les engrais chimiques : pas avant 2024
Le projet renvoie la redevance sur les engrais chimiques à 2024, une fois le quinquennat terminé. Anne-Laure Sablé, chargée de campagne agriculture aux Amis de la Terre dénonce. « A quoi bon convoquer une Convention citoyenne en 2020 si ce n’est pour des effets d’annonce destinés en réalité à ne pas toucher aux intérêts de l’agrobusiness ? »
L’artificialisation des sols faisait aussi partie des propositions fortes de la Convention. Le texte reprend bien l’objectif de réduction de moitié de l’artificialisation d’ici 2030 au niveau des communes. Toutefois, le moratoire sur les zones commerciales exclut les entrepôts de e-commerce. Et les projets de surfaces commerciales de moins de 10 000m2 pourront toujours voir le jour sous condition. « Un seuil bien trop élevé puisque 80% des projets de surfaces commerciales sont inférieurs à cette surface », dénoncent Les Amis de la Terre.
Enfin, la Convention proposait l’interdiction de la publicité pour les produits polluants. Le projet de loi ne vise que la publicité pour les énergies fossiles dans un délai d’un an. L’interdiction de la publicité pour les produits proscrits par le Programme national nutrition santé (PNNS) est renvoyé à un accord en discussion avec les annonceurs et les industries agroalimentaires. La majorité de la régulation reposera sur des codes de bonne conduite sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Par Mathieu Combe