Expédition 7e Continent lance une nouvelle mission scientifique. Elle évaluera la répartition et les impacts des microplastiques et nanoplastiques en mer Méditerranée. Une équipe pluridisciplinaire pour étudier la biologie, la physique et la chimie de cette pollution plastique.
« La documentation sur les micro plastiques, dont la taille est comparable à celle de miettes de pain existe dans la littérature scientifique depuis maintenant 40 ans, rappelle Alexandra Ter Halle, directrice scientifique de l’association et chercheuse au CNRS. A l’inverse, si l’on se place à l’échelle du micron avec des échantillons 1000 fois plus petits, du diamètre d’un cheveu ou des nanoplastiques, 1 millions de fois plus petit, très peu de documentation existe et tout reste encore à découvrir. »
Des prélèvements de nanoplastiques dans l’eau et dans l’air
Pour mieux comprendre la physique, la chimie et la biologie des nanoplastiques, l’expédition 7e continent a navigué en mer Méditerranée. À bord du voilier de l’expédition, quatre marins et quatre scientifiques entre le 20 septembre et le 15 octobre 2019. Ils ont embarqué divers équipements pour prélever des micro et nanoplastiques jusqu’à 150 mètres de profondeur. Ils ont aussi échantillonné l’air pour étudier les transferts de micro et nanoplastiques entre l’eau et l’air.
L’équipe a déployé une CTD-Rosette entre la surface et 150 mètres de profondeur. Ce préleveur d’eau présente plusieurs instruments pour mesurer les caractéristiques de l’eau : salinité, profondeur et température. Il permet aussi de rapporter à bord du bateau des échantillons d’eau afin de les filtrer et analyser les nanoplastiques. Pour échantillonner la phase atmosphérique, il a fallu développer un équipement sans matériaux plastiques. « Une pompe aspire l’air à débit important et le fait passer à travers une cuve remplie d’eau qui va piéger les particules », simplifie Boris Eyheraguibel, chercheur à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand.
Mieux comprendre la chimie et la biologie des nanoplastiques
Les travaux d’Alexandra Ter Halle ont déjà démontré que la structure des polymères des microplastiques évoluait dans les océans. Désormais, elle veut étudier le comportement chimique des nanoplastiques. « Ce n’est encore qu’une hypothèse mais il est possible que les processus d’oxydation, d’érosion et de vieillissement du plastique en mer conduise à des modifications des propriétés chimique qui modifierait la nature même de ces plastiques », prévient-elle. « Il faut comprendre les nouvelles structures et étudier la façon dont ils interviennent avec le milieu naturel », complète-t-elle.
Jean-François Ghiglione est chercheur au laboratoire d’Océanographie Microbienne de Banyuls-sur-Mer. Sa spécialité? L’étude de la vie microbienne et des différentes espèces proliférant sur les plastiques dans l’eau. Et il veut voir si des bactéries colonisent aussi les plastiques dans l’air. « Nous utilisons aujourd’hui des outils de biologie moléculaire pour analyser leur ADN et comprendre leurs interactions avec le plastique », explique-t-il.
Certains microorganismes participent à la biodégradation des plastiques. « Le mécanisme de biodégradation commence par la formation d’un biofilm. Puis, c’est la bio-fragmentation. Les bactéries envoient des enzymes extracellulaires qui vont couper les polymères et les transformer en oligomères et monomères. Enfin, c’est l’assimilation par les bactéries », résume Jean-François Ghliglione. « Tout cela est montré en laboratoire, il faut le montrer dans les océans. » Mais le chercheur insiste : le mécanisme de dégradation dans ce processus est beaucoup trop lent pour qu’il soit aujourd’hui envisagé comme une solution pour dégrader la pollution plastique.
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Des courants qui accumulent les micro et nanoplastiques
La mer Méditerranée piège les plastiques. « Des eaux « neuves » rentrent par le détroit de Gibraltar font le tour de la Méditerranée et ressortent par ce même détroit mais cette fois à plus de 200 mètres de profondeur, explique Yann Ourmières, océanographe à l’Institut Méditerranéen d’Océanologie. Tous les plastiques « légers » et qui flottent facilement ont donc du mal à s’évacuer, ce qui fait que la Méditerranée accumule beaucoup de plastique. »
Les particules nanométriques sont ainsi transportées par des courants sur des centaines, voire des milliers de kilomètres. « Pour connaître les zones d’accumulation, il faut s’intéresser aux courants », propose-t-il. C’est la raison pour laquelle, les prélèvements se sont déroulés dans des zones différentes. Les masses d’eau y ont différentes températures, et sont présentes depuis plus ou moins longtemps en mer Méditerranée.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura-sciences.com