Dans le livre Survivre au péril plastique, (éditions Rue de l’Echiquier), le journaliste et fondateur de Natura Sciences, Matthieu Combe, étudie les causes, les conséquences et les solutions à la pollution plastique. En particulier, il aborde une problématique délaissée : la pollution généralisée des sols agricoles par des microplastiques.
En France, le Comité français des plastiques en agriculture (CPA) a lancé une collecte volontaire des plastiques usagés depuis 2007, gérée par Adivalor. Une ficelle agricole, une bâche ou un filet à recycler ? Environ 4 500 points de collecte permettent de récupérer autour de 52 000 tonnes de bâches plastiques (les professionnels parlent de « films ») et 8 000 tonnes de ficelles et filets chaque année. Au total, la collecte permet de récupérer 75 % des films et près de 30 % des ficelles et filets.
Mais ce sont les plastiques délaissés qui nous interpellent. En particulier, la pollution des sols par les microplastiques en agriculture a principalement deux causes. D’abord l’épandage des boues agricoles, puis l’utilisation du plastique en paillage. Il existe d’autres sources comme les dépôts atmosphériques et la contamination des eaux utilisées pour l’irrigation. Dans Survivre au péril plastique, Matthieu Combe explique l’ampleur de cette pollution.
Des microplastiques dans les engrais et l’irrigation
D’où viennent les microplastiques? « Dans une station d’épuration dite à traitement biologique, des bactéries se chargent de la dépollution des eaux. Elles « mangent » la matière organique et produisent des boues. Ces bactéries ne dégradent pas les fibres, les billes et les fragments de plastique. Ces particules de plastique peuvent ainsi s’agréger aux boues. Les trois quarts de ces boues sont ensuite valorisées en épandage agricole et en compost« , explique Matthieu Combe. Ainsi, les microplastiques et d’autres contaminants rejoignent les sols agricoles.
En Europe, une étude évalue à 430 000 tonnes la quantité de microplastiques qui entrent dans les terres agricoles chaque année, uniquement en raison de l’épandange des boues. « L’eau de pluie ou l’eau des rivières utilisée pour l’irrigation contiennent aussi des microplastiques qui vont s’infiltrer dans les sols, mais les études n’ont pas encore quantifié cet apport, ajoute Matthieu Combe. Il faut trouver des solutions innovantes pour retenir ces microplastiques et faire évoluer la réglementation pour pousser les collectivités locales à investir afin de moderniser leurs stations d’épuration« .
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Du paillage qui apporte son lot de microplastiques
Les agriculteurs utilisent des films en paillage, dans les serres, pour les petits tunnels, pour l’enrubannage des balles rondes et pour l’ensilage. Les grandes bâches de paillage utilisées apportent ainsi leur lot de microplastiques. « Le paillage plastique est une solution simple et peu coûteuse pour diminuer le développement des mauvaises herbes, garder l’humidité des sols et réduire l’arrosage », rappelle Matthieu Combe. Ces bâches remplacent le plus souvent les paillages traditionnels, organiques ou minéraux.
Là encore, le manque de gestion de ces plastiques en fin de vie contribue à la pollution. Cité dans Survivre au péril plastique, Bernard Lemoine, délégue général du Comité français des plastiques en agriculture (CPA), calcule que « selon les cultures, on met entre 150 et 300 kg de polyéthylène à l’hectare en paillage et il n’est pas rare de retirer 900 kg ou 1,2 tonne en raison de la terre, de l’eau et des matières organiques qui s’y accumulent« . Ainsi, les films collectés ne finissent pas au recyclage, mais à l’incinération ou à l’enfouissement. Le CPA et Adivalor mènent le projet RAFU, un projet de recherche pour mettre à disposition des agriculteurs des équipements et des techniques de nettoyage des films de paillage en fin de vie pour permettre leur recyclage.
Des pratiques qui restent à faire évoluer
En théorie, les films agricoles sont recyclables. Mais qui dit recyclable ne veut pas dire recyclé. Certes, la France l’Allemagne, la Suède et l’Irlande disposent d’un schéma national de collecte de ces plastiques en fin de vie qui permet de collecter plus de 70% des films. Mais ce n’est pas le cas de tous les pays.
Dans la majorité des pays européens, un tel schéma n’existe pas. Le taux de collecte des films s’y situe plutôt autour de 30 %. C’est par exemple le cas de l’Angleterre, de l’Espagne, de la Belgique et de l’Italie. Dans ces pays et dans plusieurs régions du monde, de mauvaises pratiques demeurent : par exemple laisser les plastiques des champs.
« Si l’on ne les retire pas en fin de vie, ces plastiques s’accumulent dans le sol et modifient sa structure, avec des impacts qui ne sont pas mesurés aujourd’hui, par exemple sur le développement racinaire et la circulation de l’eau, explique Bernard Lemoine. Au niveau mondial, encore trop d’agriculteurs les laissent se dégrader dans les sols à la fin de chaque cycle de culture. Là où ces films sont utilisés, il n’est pas rare de trouver plusieurs tonnes de résidus par hectare. »
Afin d’éradiquer ces pratiques, il faut apporter des solutions aux agriculteurs. Cela passe par la mise en place de schémas de collecte nationaux en Europe et dans le monde. Ils devront s’accompagner des financements nécessaires, ainsi que du développement de plastiques biodégradables dans les sols, soutient Bernard Lemoine. Autre piste avancée par la Commission européenne : que la politique agricole commune (PAC) européenne mette en place un nouveau critère de conditionnalité des aides afin de récompenser les agriculteurs qui se tournent vers une filière de collecte et de recyclage des plastiques. »
Auteur : Chaymaa Deb, journaliste du magazine Natura-sciences.com