Les experts de l’IPBES s’accordent à dire que les écosystèmes du monde entier sont menacés. Cependant, malgré une situation critique, les scientifiques affirment que les dommages ne sont pas irréversibles. Et le changement de paradigme doit venir en premier lieu des acteurs du système économique.
La septième session plénière de l’IPBES s’est achevée à Paris. À cette occasion, un premier rapport, fruit de trois années de recherches, a été rendu public. Et le message y est clair : nul ne peut nier la situation de danger dans laquelle se trouve la biodiversité. Vertébrés, invertébrés, ou encore espèces végétales, les menaces sur la préservation des écosystèmes pèsent sur toutes les catégories du vivant. Professeure à l’Université de Cordoue et co-auteure du rapport, Sandra Diaz donne un avertissement clair. Si rien ne change, la nature ne pourra bientôt plus assurer les ressources nécessaires à la survie des espèces. Des scientifiques aux membres de l’UNESCO, tous reconnaissent l’ampleur du challenge qui repose sur les épaules de la population mondiale.
Trouver le moyen d’adopter un mode de vie plus respectueux de l’équilibre de la biodiversité est plus que jamais capital. La directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, déclare qu’il s’agit là « d’un enjeu moral et éthique ». Néanmoins, les différents acteurs en présence refusent de sombrer dans le fatalisme. Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES donne le ton de l’attitude à adopter. « Les conclusions du rapport sont tout à fait alarmantes, mais nous voudrions adresser un message d’espoir aux gens car tout n’est pas perdu. Nous voulons donner à chacun la possibilité d’agir, pour que la biodiversité retrouve sa grandeur » déclare-t-elle.
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La biodiversité ravagée par l’Anthropocène
Afin d’établir leur rapport, les scientifiques ont cadré leurs réflexions autour de cinq questions fondamentales. Elles avaient pour but premier d’évaluer avec précision l’implication de l’homme dans ce bouleversement de la biodiversité. Ensuite, les experts ont établi plusieurs scénarios dans le but de mettre en évidence des solutions préservatrices et efficaces. L’objectif étant pour le collège d’arriver à un projection à l’horizon 2050 durable à la fois pour l’homme et pour la nature. Mais parvenir à un tel équilibre semble encore à l’heure actuelle relever du tour de force. « Démographie, technologie, ou encore valeurs sociales, tout cela mène à l’extinction des espèces » explique sans ambages le professeur Josef Settele, co-auteur du rapport.
À l’heure actuelle, comme le rappelle Josef Settele, « tous les groupes d’espèces ont des problèmes de survie. Et cela est grandement lié à l’Anthropocène ». Cette ère du bouleversement des équilibres naturels – plus ou moins – directement causés par l’activité humaine. À ce titre, l’IPBES rappelle que 25% des mammifères sont menacés d’extinction. Il en va de même pour 33% des coraux, 19% des reptiles, 10% des insectes, ou encore 27,5% des crustacés. La situation n’est guère meilleure pour le monde végétal, qui risque de perdre jusqu’à 63% de sa diversité. Au total, un million d’espèces se trouvent actuellement en danger d’extinction. De plus, environ 500.000 espèces terrestres seraient « mortes ambulantes ».
L’IPBES veut la mobilisation forte du politique et de l’économie
En clair, le défi pour l’humanité est immense car la transition devra inexorablement passer par un changement de paradigme. Une nécessité d’autant plus grande que seulement 4 des 20 objectifs d’Aichi seront effectivement atteints en 2020. Dans la ligne de mire des experts de l’IPBES, les décideurs mondiaux, et particulièrement ceux appartenant à la sphère économique. Pour espérer un retour en arrière favorable à la biodiversité, ces derniers devront faire concorder leurs intérêts avec ceux de la nature. Car comme le rappelle Anne Larigauderie, même s’il est imminent, le point de non-retour n’est pas encore atteint. « Il sera nécessaire d’aller vers une réforme des systèmes financiers et économiques mondiaux. L’économie n’est pas une fin en soi, mais un moyen » considère le professeur Eduardo Brondizio, co-auteur du rapport.
Un avis que partage le président sortant de l’IPBES, Robert Watson. Le Britannique estime que les capitaux mondiaux doivent cesser d’alimenter des projets mettant en péril la biodiversité. Mais pour que cela fonctionne, il faudra voir se mettre en place une réelle ligne directrice politique. Or aujourd’hui, les prévisions et les préconisations sont très peu suivies de dispositions contraignantes. À l’échelle nationale ou mondiale, les politiques environnementales devront être à la hauteur, pour le climat comme pour la biodiversité. Ces dernières devront prôner le développement durable, l’économie circulaire, et les initiatives renouvelables.
L’essentiel renfort des populations locales
Et loin d’être étrangers à ce système, les citoyens doivent avoir conscience du rôle capital qu’ils occupent dans ce système. Robert Watson souhaite que ces derniers saisissent qu’ils doivent consommer autrement, et mieux. « Utiliser moins de produits chimiques, réduire le gaspillage de l’eau, repenser notre régime alimentaire est essentiel. » Crucial lorsque l’on sait que le principal danger biodiversité provient de la surexploitation des terres et des mers. Par ailleurs, 66% des espaces marins ont été significativement modifiés à cause des activités humaines. La surpêche en est une des causes. Ainsi, consommer des poissons issus de la pêche durable est un moyen pour le consommateur d’agir concrètement pour la biodiversité.
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Pour le développement urbain, il semble capital de favoriser une expansion qui prenne en compte les intérêts de la nature. Eduardo Brondizio explique qu’il est également essentiel de travailler avec les populations autochtones. Car selon les chiffres, plus un espace est exploité par les personnes qui y vivent, moins la biodiversité est menacée. « Dans les régions tropicales, le déclin des écosystèmes est plus rapide qu’ailleurs » rappelle-t-il. C’est pourquoi l’IPBES préconise que les populations locales soient directement associées aux opérations de préservation de l’environnement. Les projecteurs sont désormais braqués sur la COP 15 biodiversité qui se déroulera à Kunming, en Chine. C’est là que devraient être fixés les objectifs mondiaux en faveur de la biodiversité pour l’après-2020. Comme l’avait fait en 2015 la COP 21 pour le climat.
Auteur : Chaymaa Deb, journaliste du webzine Natura-sciences.com