Dans les vallées de l’Himalaya en Inde, de nombreux travaux fragilisent la montagne et les glaciers. Le changement climatique et la fonte des glaces aussi. Début février, un mur d’eau s’est abattu sur la vallée de Rishiganga, détruisant tout sur son passage et faisant, selon le dernier bilan en date, 50 morts et 150 disparus. Explications.
Le 7 février, un mur d’eau s’est violemment abattu sur la vallée de Rishiganga, dans l’Etat de l’Uttarakhand, détruisant tout sur son passage et faisant, selon le dernier bilan en date, 50 morts et 150 disparus. Le phénomène a été d’abord attribué à la rupture d’un glacier himalayen. Maisles scientifiques envisagent d’autres hypothèses, dont la formation d’un lac glaciaire, due à la fonte d’un glacier. Ses rives auraient cédé. Les scientifiques sont d’accord pour dire que c’est bien l’activité humaine dans cette région fragile qui est responsable de ce désastre.
Tout d’abord la fonte des glaciers de l’Himalaya, due au réchauffement climatique. La cause la plus probable de la catastrophe serait la rupture d’un morceau de glacier de plus d’1,5 km de longueur et environ 300 m de largeur, qui en se rompant a également emporté une partie des rochers auxquels il était attaché. Tout cela est allé former un barrage sur une rivière dans les montagnes, jusqu’à ce que la pression de l’eau accumulée finisse par percer le barrage et déverser une masse énorme d’eau, de rochers et de boue dans la vallée. Cette eau a emporté maisons, routes et ponts et plus de 200 personnes.
L’Himalaya face au changement climatique et aux explosions à la dynamite
Cette catastrophe « est clairement une conséquence du changement climatique, et un avertissement de ce qui nous attend à l’avenir », a déclaré à l’AFP H.C. Nainwal, un des spécialistes des glaciers venus sur le site. Dans la partie indienne de l’Himalaya, environ 10.000 glaciers sont en train de fondre peu à peu, reculant de 30 à 60 m par décennie. Cette fonte forme parfois des lacs qui finissent par emporter leurs rives et se déverser dans les vallées de façon brutale et destructrice.
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Mais la fonte des glaces n’est pas la seule à fragiliser la région. L’autre cause peut s’entendre régulièrement dans toutes les vallées de l’Uttarakhand: ce sont les explosions à la dynamite utilisées pour les grands travaux dans la région. Il y a d’abord les routes : celles qui mènent à la frontière chinoise, élargies pour que l’armée indienne puisse y arriver plus facilement, depuis les affrontements de l’an dernier. Mais il y a aussi une autoroute de 800 km reliant quatre importants sites religieux. Un projet cher au Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi.
Mais le plus gros problème est la construction de centrales hydroélectriques sur de nombreuses rivières de l’Himalaya, dans le cadre de l’effort indien pour utiliser l’énergie renouvelable conformément à ses engagements dans l’Accord de Paris. Quelque 75 d’entre elles, de toutes tailles, sont déjà opérationnelles dans l’Uttarakhand, et des dizaines d’autres sont en projet.
Des risques de glissements de terrain et d’inondations accrus
Les experts estiment que ces constructions rapides ne prennent pas en compte les risques potentiels. Ces dangers ont été tristement illustrés en 2013 lorsqu’une crue subite avait dévasté une région de l’Uttarakhand et tué 6.000 personnes. La justice indienne avait alors nommé un comité scientifique chargé d’examiner les causes de la catastrophe. Le comité avait conclu que la région ne pouvait accueillir sans danger plus de centrales hydroélectriques et avait recommandé de cesser toute construction. Un avis qui a été totalement ignoré par les gouvernements successifs.
Les habitants de la région disent qu’ils ne voient que les inconvénients de tout ce développement, qui ne leur profite nullement. Ils ont lancé en 2019 une procédure judiciaire contre les carrières de sable illégales qui rejettent leurs déchets dans la Rishi Ganga, augmentant les risques de glissements de terrain et d’inondations.
Mais leur action n’a rien changé : déforestation et déversement de déchets continuent sans la moindre intervention des autorités. « Pendant longtemps, nous faisions confiance au gouvernement et pensions qu’il cherchait à améliorer la vie dans la région, mais nous avons fini par réaliser que ce n’est pas le cas », explique à l’AFP Surinder Singh, un habitant de 55 ans. Mais maintenant, ajoute-t-il, « nous nous battrons de toutes nos forces contre tout projet de route ou de barrage qui menace nos vies et nos montagnes ».
Natura Sciences avec AFP