La Chine vient d’autoriser un médicament à base de bile d’ours pour traiter des patients victimes du Covid-19. L’association Animals Asia lève le voile sur les fermes d’extraction de bile d’ours, calvaire vécu notamment par les ours noirs d’Asie.
« Aujourd’hui, plus de 10.000 ours sont tenus en captivité dans des conditions déplorables. Ce sont des bêtes très abîmées ». Voici le triste constat établi par Michèle Jung, responsable du groupe France de la Fondation Animals Asia. Où sont-ils ? Dans toute l’Asie, mais plus particulièrement au Vietnam, et plus encore en Chine. Qu’est-il attendu de ces animaux ? Leur bile, très prisée sur le continent asiatique pour ses prétendues vertus médicinales. Prescrite pour des pathologies diverses et variées, allant du cancer du foie au simple mal de gorge, il se dit aussi que la bile d’ours aurait des pouvoirs aphrodisiaques. Pourtant, strictement aucune donnée scientifique ne permet de confirmer cela.
Le docteur Jacques Waynberg, sexologue, indique que la bile d’ours n’a aucun mérite si ce n’est celui d’être « un placebo ». En 2010, 152 praticiens de la médecine traditionnelle vietnamienne ont même reconnu que l’usage de la bile d’ours était dangereux pour la santé. En effet, le décès de quatre personnes avait été directement imputé à sa consommation. Donc, que les choses soient claires, boire de la bile d’ours ne sert strictement à rien.
Comment est extraite la bile d’ours ?
Ce colosse qu’est l’ours noir d’Asie n’en peut plus de souffrir. Chaque année, des centaines d’animaux meurent à cause de cette pratique barbare. Pour récupérer la bile, on incise l’animal pour lui poser un cathéter directement dans la vésicule biliaire. L’opération se pratique sur l’ours, tenu de force allongé dans sa cage, vivant et non anesthésié. L’enfer des géants est perpétuel. Le cathéter reste posé en permanence et l’extraction a lieu deux fois par jour. L’opération se pratique dès que l’ours a un an, car il faut qu’il pèse au moins 100 kilos. Pour produire plus de bile, l’animal est délibérément affamé. Cette pratique terriblement douloureuse finit par causer la mort de l’animal.
Animals Asia rappelle que la bile extraite est souvent pleine de pus, de bactéries et de toxines. La seule raison pour laquelle ce commerce de l’infâme tient encore, c’est parce-que la bile se monnaye à prix d’or. Les chiffres sont variables, mais le kilo de bile pourrait rapporter au moins 600 dollars.
Auparavant, la bile était extraite sur les ours morts, mais cela a changé depuis le début des années 1980. Faisant mine de vouloir arranger le problème, le gouvernement chinois a autorisé l’extraction de bile sur des animaux vivants dans des fermes à ours créées pour l’occasion. « Les conditions de vie de ces animaux sont affreuses dans les fermes, mais il faut aussi rappeler que des particuliers ont des ours dans leur jardin, et c’est encore pire » se désole Michèle Jung. Voilà contre quoi se bat Animals Asia. « Notre action consiste à aller récupérer dans les fermes et chez les particuliers les animaux dont on veut se débarrasser », explique-t-elle.
Lire aussi : Coronavirus : la Chine autorise un médicament à base de bile d’ours
Vite en finir avec les fermes de bile à ours
La responsable à la voix douce indique que le trafic s’avère parfois peu rentable pour certains qui veulent alors se séparer des animaux. En Chine et au Vietnam, les ours récupérés en vie sont envoyés dans des lieux de repos gérés avec le concert de la fondation. A Chengdu et Nanning en Chine, ou à Tamdao au Vietnam, les animaux fatigués rejoignent des sanctuaires de repos bien mérité. « C’est malheureux certes, mais il est impossible de remettre ces ours dans la nature, ils n’y survivraient pas » indique Michèle Jung.
Néanmoins, le tableau commence doucement à s’éclaircir. La responsable d’Animals Asia France affirme que les populations locales commencent à se sensibiliser sérieusement à ce fléau. « Pour nos campagnes de sauvetage, nous recrutons des locaux qui nous aident à entretenir les lieux de vie des animaux » précise-t-elle. En plus d’eux, des vétérinaires européens et américains se rendent sur place afin d’administrer les soins nécessaires aux animaux blessés. En Chine, l’aide accordée par le ministre de la Vie sauvage permet à la fondation de sauver chaque année environ 500 ours noirs.
Mais le meilleur signe d’espoir vient du Vietnam. En août 2015, l’exploitation de bile d’ours a été interdit dans le nord du pays, avec le renfort des autorités. « Les Vietnamiens se sont rendus compte que le trafic de la bile d’ours avait mauvaise presse et que cela renvoyait une mauvaise image pour le tourisme » indique Michèle Jung. C’est pourquoi le pays met depuis en place une politique de sauvegarde de l’espèce. Malgré ces nouvelles encourageantes, le chemin reste encore long. La ponction de vésicule biliaire est propre à toute l’Asie. Et il y a encore fort à faire dans d’autres pays comme le Cambodge ou l’Indonésie.
Lire aussi : Les associations enragent toujours contre les montreurs d’ours
Découvrir l’extraction de la bile d’ours et le travail d’Animals Asia en vidéo
Auteur : Chaymaa Deb, journaliste du webzine Natura-sciences.com