L’érosion côtière ne figure pas parmi les risques naturels éligibles aux indemnisations en cas de catastrophe. Dans une nouvelle note, la Fabrique Écologique propose de réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Elle souhaite y inclure le risque d’érosion brutale.
La France compte parmi les plus vulnérables à l’élévation du niveau de la mer en Europe. En cause : ses nombreuses façades, côtes sableuses, zones basses et littoraux ultra-marins. Dans une nouvelle note consacrée à l’adaptation au changement climatique sur le littoral, la Fabrique Écologique estime primordial la nécessité de reconnaître l’érosion comme un risque naturel qui n’est pas toujours progressif, lent et anticipable.
« L’érosion n’est pas parfaitement anticipable et n’est pas graduelle, assure Jill Madelenat, présidente du groupe de travail à l’origine de cette note, chargée d’étude à la Fabrique Écologique. Elle peut être un vrai risque naturel dans le sens où elle peut être brutale, imprévisible et accélérée. » Cela a par exemple été le cas à Wissant, dans le Pas-de-Calais. En février 2020, la tempête Ciara a accéléré l’érosion de la dune. Celle-ci a reculé de 30 mètres en un an. À Oye-Plage, cette même tempête a provoqué le recul du cordon dunaire de 4 mètres en quelques jours .
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Considérer l’érosion comme un vrai risque naturel
La première piste de travail consiste à redéfinir l’ensemble des événements naturels qui pourraient être considérés et couverts comme catastrophe naturelle nécessitant la solidarité nationale. Le groupe de travail souhaite ainsi mettre fin aux mesures discriminatoires concernant les différents types de risques. « Une maison victime d’un éboulement de falaise ou submergée serait indemnisée, avance Jill Madelena. En revanche, une maison située sur une côte sableuse où une tempête viendrait accélérer le recul du trait de côte ne le serait pas. Or, tous les travaux scientifiques montrent que la limite est très floue entre submersion et érosion sachant que souvent l’un entraîne l’autre. »
La Fabrique Écologique estime ainsi qu’il est capital de considérer l’érosion côtière comme un risque naturel. En absence d’une telle reconnaissance, le risque est de la faire sortir de tous les dispositifs de prévention des risques. « On passerait d’une situation actuelle, sans financement du fonds Barnier sur le risque érosion, à une situation sans plan de prévention des risques «érosion», sans culture du risque, sans dispositifs de gestion de crise, sans besoin de systèmes d’alerte, etc. Même le recours aux arrêtés de péril imminent pour évacuer les personnes des bâtiments en cas de risque deviendrait inopérant, ce qui pourrait rendre beaucoup de situations ingérables. » prévient la note.
Réformer les régimes d’indemnisation des catastrophes naturelles
La deuxième piste de la note consiste partager les rôles dans le financement de l’adaptation au risque «érosion». Le fonds Barnier est le fonds qui indemnise les victimes de catastrophes naturelles. Les risques naturels éligibles comprennent la submersion marine et les inondations. Ils incluent aussi les mouvements et les affaissements de terrain, ainsi que les avalanches. La Fabrique Écologique propose d’y inclure en plus l’érosion côtière brutale pour les catastrophes imprévisibles. « Aujourd’hui, le fonds Barnier est alimenté par la prime CatNat que tout un chacun paye à travers son assurance habitation ou automobile », informe Jill Madelenat.
Le fonds Barnier indemnise les biens menacés dans les situations éligibles à la valeur marchande du bien sans dévalorisation. « Étant donné l’ampleur des catastrophes naturelles et le nombre d’événements à venir, que cela soit des sécheresses, des submersions, ou de l’érosion, on ne pourra pas continuer d’indemniser sur la valeur marchande du bien », prévient Jill Madelenat. Le groupe de travail propose que les indemnisations à venir reposent sur le statut de l’habitation (principale ou secondaire). Il recommande en plus d’inclure des critères socio-économiques comme la prise en compte des revenus.
Enfin, la Fabrique Écologique propose qu’un Fonds pour l’aide à la recomposition littorale (FARL) assure les financements de long-terme. Il permettrait d’indemniser les propriétaires qui partiraient des zones menacées et relocaliser l’ensemble des activités menacées. Il s’appuierait sur une solidarité territoriale. Le Cerema estime qu’entre 5.000 et 50.000 logements seront concernés par le recul du trait de côte d’ici 2100. Cela, sans compter les activités économiques et les infrastructures de réseaux – eau, électricité, transports.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura Sciences