En vue de la COP21 qui se déroulera à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme tient à jour un thermomètre des engagements des pays. Celui-ci dresse le bilan des contributions nationales au fur et à mesure de leur parution. Tour d’horizon de ses principales conclusions.
En amont de la COP-21, les Etats-Parties doivent publier leur contribution nationale (INDC), qui présente les plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à partir de 2020 et éventuellement un programme d’adaptation au changement climatique. Seules des lignes directrices souples et non contraignantes ont été fixées lors de la COP-20, ce qui fait que les INDC rendues par les pays sont très différentes et hétérogènes.
Par exemple, les INDC peuvent comprendre un objectif de réduction en pourcentage d’émissions totales par rapport à une année de référence (1990, 2000, 2005 ou bien par rapport au scénario tendanciel à l’horizon temporel visé), ou en réduction de GES par unité de PIB. L’échéance est soit 2025 soit 2030. Les objectifs peuvent concerner les les 6 GES du Protocole de Kyoto, les 7 GES du Protocole de Kyoto 2, ou seulement 3 GES (CO2, CH4 et N2O). Les pays peuvent recourir aux mécanismes de flexibilité créés par le Protocole de Kyoto, à savoir les mécanismes de développement propres ou des crédits d’émission internationaux, intégrer ou non les forêts de leur territoire comme puits de carbone. Ces contributions sont publiques et disponibles au fur et à mesure de leur publication sur un site internet.
Ce manque d’homogénéité rend difficile leur comparaison. Nénanmoins, un rapport de synthèse mesurant l’ambition de toutes les contributions rendues avant le 1er octobre sera publié le 1er novembre prochain par le Secrétariat de la Convention cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). En attendant, des ONG comme la Fondation Nicolas Hulot, avec son thermomètre des engagements, réalisent régulièrement des points d’étapes sur le niveau d’engagement des différents Etats.
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Des INDC insuffisantes pour limiter le réchauffement à 2°C
Au 29 octobre, date du dernier thermomètre réalisé par la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme (FNHNH), 155 pays sur les 195 pays ayant signé la CCNUCC avaient rendu leurs contribution nationale. Ces 155 pays représentent plus de 86,4 % des émissions mondiales de GES en 2012.
En analysant ces contributions et en estimant les contributions attendues à partir des premières informations disponibles, la FNHNH estime que les émissions de GES mondiales atteindront 60 gigatonnes de CO2 équivalent (GT CO2eq) en 2030. « Plusieurs gros émetteurs, notamment l’Inde et la Chine ont rendu des INDC avec des hypothèses de croissance très optimistes et des objectifs de réduction de leurs émissions inférieurs à ce qu’ils pourraient atteindre avec les politiques déjà mises en place, analyse néanmoins la Fondation. Des hypothèses plus réalistes sur ces deux pays conduiraient à 56 GT CO2 eq en 2030 ». La décarbonisation de l’économie tant prônée par les Etats sera malgré tout que relative dans la trajectoire actuelle. La future croissance mondiale s’accompagnera inévitablement d’une hausse globale des émissions de GES.
Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), pour avoir 2 chances sur 3 de limiter le réchauffement climatique à +2°C en 2100 , les émissions mondiales de GES doivent être comprises entre 30 et 50 GteCO2/an en 2030, avec une valeur moyenne de 40 GteCO2/an. En 2010, les émissions mondiales étaient de 49 GteCO2. Les INDC actuellement transmises ne sont donc pas en adéquation l’objectif des pays du G7 d’atteindre « le haut de la fourchette » préconisée par le GIEC. Ce surplus d’émission compris entre 6 et 26 GtCO2/an en 2030 pour limiter le réchauffement est « non négligeable puisqu’il nous met sur la route d’une hausse des températures de 3 voire 4°C» en 2100, estime la FNHNH.
COP21 : Quel budget CO2 est disponible par habitant?
Dans les scénarios du GIEC, avec 8,4 milliards d’humains en 2030, chaque individu devra émettre au maximum entre 3,6 et 5,9 tonnes équivalent CO2 par an (moyenne de 4,8 teCO2/hab) pour limiter le réchauffement climatique à 2°C en 2100. Les trajectoires actuelles ne nous parviennent pas de parvenir à ces chiffres. « Les engagements des 155 pays correspondent à une augmentation de 22% du total de leurs émissions à l’horizon 2030 [par rapport à 2010], relève la FNHNH. Pour ces pays, cela amène à des émissions d’environ 7,2 teCO2/habitant. »
Néanmoins, les contributions actuelles sont d’ambitions diverses. Elles vont de 1,1 teCO2/habitant pour l’Ethiopie à 16 teCO2/habitant pour l’Australie en 2030. Tous les pays du G20 (sauf l’Union européenne, le Mexique et le Brésil) ont des engagements insuffisants « puisque leurs engagements les mènent vers des émissions supérieures à 6 teqCo2/habitant voir 10 teCO2/hab pour certains », prévoit la FNHN qui « appelle les pays les plus émetteurs du G20 à montrer l’exemple et à rehausser dès maintenant, leurs engagements de 10 à 15 points afin de respecter l’objectif adopté à Copenhague par les 195 Etats signataires de limiter la hausse des températures à 2°C ».
Parmi les pays en voie de développement ayant rendu leur contribution, 28 se sont engagés à avoir des émissions par habitant inférieures à 2 tonnes équivalent CO2 par habitant en 2030, dont le Bhutan et le Costa Rica. Mais une partie ou la totalité de leurs engagements sont conditionnés à l’existence d’un mécanisme de solidarité (moyens financiers, transferts de technologies…). Certains Etats particulièrement émetteurs n’ont pas rendu leur contribution dont notamment les pays riches en hydrocarbures (l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Venezuela, l’Iran, Oman, le Nigeria, l’Angola…) mais aussi des pays fortement peuplés comme l’Egypte ou encore le Pakistan.
Les pays ont jusqu’au début de la COP21 le 30 novembre pour réhausser leurs objectifs de réduction. Mais puisque le niveau d’ambition de l’accord risque fortement de ne pas être compatible avec l’objectif des 2°C, les négociateurs prévoient que les engagements des Etats puissent être revus à la hausse par la suite afin d’être finalement compatibles avec cet objectif. Il devront créer un mécanisme obligeant les États à réviser leurs objectifs à la hausse tous les 5 ans.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com pour Techniques-ingenieur.fr