Après plusieurs mois, les 150 personnes tirées au sort vont rendre leur avis final sur les dispositions du gouvernement. Plusieurs éléments laissent penser que l’heure sera à la déception.
Les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat sont déçus et ils le diront. Cette assemblée délibérative tirée au sort, puis sélectionné pour constituer une « France en petit » va rendre ses conclusions. En juin, ils avaient fait 149 propositions pour « réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030 (par rapport à 1990), dans un esprit de justice sociale ». Dès vendredi, ils se prononceront sur la traduction par le gouvernement de leurs propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Cette fin de semaine marquera le terme d’un exercice inédit en France.
Du fait de la crise sanitaires, les 150 se réuniront en visio. Ils passeront au crible les différents canaux par lesquels le gouvernement assure traduire la quasi-totalité de leurs 149 propositions. Ils analyseront le plan de relance, le budget, et divers décrets. Aussi, ils évalueront les projets de loi « climat et résilience » ou l’introduction de la protection de l’environnement dans la Constitution.
Ambition climatique ratiboisée
Actuellement, les pistes envisagées par le gouvernement sont très critiquées par les écologistes. Ils accusent en effet l’exécutif d’avoir ratiboisé les ambitions des « citoyens ». Ils reprochent également à Emmanuel Macron d’avoir renié sa promesse de transmettre leurs propositions « sans filtre ».
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De son côté, le gouvernement vante une « ambition » inédite pour faire entrer « l’écologie au quotidien ». Et le président, défendant son bilan vert, martèle qu’« aucun gouvernement n’a fait autant pour l’écologie ». Cette Convention, c’est lui qui l’a voulue, suite à la crise des Gilets jaunes. Pour rappel, l’élément déclencheur de leur colère était l’instauration d’une « taxe carbone » sur le carburant, vécue comme injuste.
Sauver la Convention citoyenne
La Convention citoyenne pour le climat a été lancée début octobre 2019. initialement, elle ne devait durer que quatre mois. Mais son calendrier a rapidement été bousculé à cause de la réforme des retraites et de la Covid. C’est donc finalement fin juin que les 150 ont été reçus dans les jardins de l’Élysée. C’est à ce moment qu’ils ont présenté leurs 149 propositions à Emmanuel Macron.
Les Verts viennent de faire un carton aux municipales et le président endosse leurs propositions. Il utilise tout de même trois « jokers ». Ils concernent notamment sur la réduction de la vitesse sur autoroute et une taxe sur les dividendes. Mais la lune de miel ne va pas durer. La nomination de Barbara Pompili, ex-EELV, au ministère de la Transition Écologique n’y changera rien.
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L’exécutif se targue d’avoir fléché vers l’écologie 30 milliards d’euros du plan de relance. Pourtant, les réunions de préparation des mesures se distinguent par leur inefficacité. Le président lui-même en rajoute. Il désigne les partisans d’un moratoire sur le déploiement de la 5G comme des « Amish ». Le chef de l’État les accuse de vouloir « revenir à la lampe à huile ». Or, ce moratoire était justement une demande de la CCC.
Au point qu’à la rentrée, les citoyens se fendent d’une lettre ouverte. Ils disent regretter un « manquer d’un soutien clair et défini de la part de l’exécutif ». Au même moment, le réalisateur Cyril Dion lance une pétition en ligne « pour sauver la CCC ». Une déception pour celui qu’Emmanuel Macron avait désigné comme « garant ».
Star Wars du climat
En décembre dernier, Emmanuel Macron retourne devant les 150. Il avait dans sa besace plusieurs promesses. Parmi elles, un possible référendum sur l’inscription de la défense de l’environnement dans la Constitution. Mais l’exécutif ne convainc pas. Justice et instances indépendantes en rajoutent dans la critique. L’État est condamné pour manquements dans la mise en œuvre des engagements de réduction des gaz à effet de serre. De plus, il est sommé de justifier ses actions. Dans le même temps, le Haut Conseil pour le climat critique le plan de relance. Il épingle aussi le plan sur la rénovation énergétique des bâtiments et la loi climat.
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Ce week-end, c’est aux membres de la Convention de donner leur vision, en votant sur la traduction dans les faits de leurs objectifs par l’exécutif, mais aussi sur l’intérêt même de l’exercice. Il est très probable que les 150 fassent également part de leur déception lors de ce dernier rendez-vous. « On est un peu déçu. On ne retrouve pas toutes nos propositions », résume Mélanie Cosnier, coprésidente de l’association « Les 150 » qui rassemble la majorité des « citoyens ». « Certains trouvent que c’est déjà bien, d’autres que ce n’est pas assez, d’autres qu’on s’est vraiment moqué de nous ».
Mais beaucoup n’entendent pas en rester là. Malgré la fin officielle de la Convention, certains veulent désormais œuvrer auprès des parlementaires pour faire avancer leurs propositions. « Le travail n’est pas fini », insiste Mélanie Cosnier. « C’est comme Star Wars, on croit que c’est terminé, mais il y a toujours un nouvel épisode ».
Chaymaa Deb avec AFP