Le chimpanzé est une espèce en danger selon la liste rouge de l’UICN (2008). Ses populations ont diminué de plus de 66 % au cours des trente dernières années, passant de 600 000 à moins de 200 000 individus. Ce déclin démographique est préoccupant car les chimpanzés sont incapables de recouvrer des effectifs normaux comme le font les autres espèces en peu d’années tant en raison du rythme des naissances que du fait que la plupart des chimpanzés.
La déforestation en Afrique de l’Ouest a fortement réduit les habitats favorables au chimpanzé. Plus de 80 % des forêts de cette région ont disparu, pourcentage que l’on peut également trouver dans d’autres régions d’Afrique. Plusieurs activités humaines en sont responsables. Les pratiques agricoles, telles que les brûlis et la gestion non durable des milieux détruisent la forêt et la croissance démographique provoque une conversion continue des zones forestières en zones agricoles.
Les activités extractives telles que la coupe d’arbres et l’exploitation de granulats et divers minerais sont également responsables de destructions étendues et parfois irréversibles. Les coupes d’arbres ont généralement, mais pas toujours, un impact négatif sur les densités de chimpanzés en raison de l’altération des habitats. L’impact des extractions minières sur le comportement des chimpanzés, leur écologie, leurs densités, n’a pas encore été évalué précisément, mais on peut dire avec certitude que les populations de chimpanzés sont affectées. D’autre part, de telles activités, pratiquées à une échelle industrielle, s’accompagnent de la construction de routes d’accès aux zones de travail. Ces infrastructures peuvent conduire à une dégradation et à une fragmentation des habitats. Pour les chimpanzés, la menace est encore accrue parce que ces infrastructures encouragent le commerce de la viande de brousse en facilitant l’accès des chasseurs et des braconniers à des zones qui n’étaient pas accessibles auparavant.
Le poids du braconnage dans la dynamique de l’espèce
Les chasseurs deviennent de moins en moins sélectifs puisque la viande de brousse fumée est méconnaissable sur les marchés et elle constitue une source de revenus parfois importante pour un grand nombre de chasseurs. Les chimpanzés représentent actuellement 1 à 3 % de la viande de brousse vendue sur les marchés de certaines villes de Côte d’Ivoire. Dans certaines zones, les chimpanzés peuvent également être tués et/ou consommés uniquement pour des raisons médicales pour faire des remèdes traditionnels voire pour des pratiques magiques. Quant au commerce de chimpanzés comme animaux de compagnie, il est interdit dans tous les pays signataires de la CITES (convention sur le commerce international des espèces menacées), mais il continue toutefois de manière illégale. La capture d’un bébé chimpanzé implique la mort de sa mère, de même que celle d’autres membres de la communauté, ce qui représente une énorme menace pour les communautés isolées.
Toute solution apportée au commerce de la viande de brousse doit pouvoir fournir des sources alternatives de nourriture et de revenus pour les communautés locales. De plus, ne plus consommer de viande de chimpanzé pourrait minimiser les risques pour la santé, car cette espèce véhicule un grand nombre de maladies transmissibles à homme.
Un animal sensible à de nombreuses maladies
Les incursions humaines dans des zones moins accessibles ou dans des zones de forêts modifiées peuvent aussi augmenter le risque de transmission de maladies des hommes vers les chimpanzés. La principale cause de mortalité des chimpanzés mise en évidence dans les études à long terme est en effet due à des maladies infectieuses. Parce que les chimpanzés et les humains sont très semblables, ces derniers peuvent contracter de nombreux pathogènes qui sont transportés par les humains ou qui affectent également les humains (par exemple, la tuberculose, la polio, la pneumonie, la typhoïde et la fièvre hémorragique Ébola). S’ils ne sont pas convenablement gérés, la recherche et le tourisme peuvent constituer un risque élevé de transmission de maladies pour les deux espèces. Au cours des quinze dernières années, des épidémies répétées de fièvre hémorragique Ébola ont également causé des déclins dramatiques dans les populations dans les aires protégées du Gabon et de la République du Congo.
Répartition et habitats des chimpanzés
La plupart des chimpanzés vivent de part et d’autre de l’équateur entre 13° de latitude nord et 7° de latitude sud. Vingt-deux pays d’Afrique abritent cette espèce. Les taxonomistes considèrent généralement que Pan troglodytes peut être subdivisé en quatre sous-espèces qui ont des aires de répartition séparées :
- Le chimpanzé de l’est P. t. schweinfurthii qui vit au Ruanda, en Tanzanie, en Ouganda et en République démocratique du Congo, avec des populations reliques au Soudan et au Burundi.
- Le chimpanzé d’Afrique centrale P. t. troglodytes, en Angola, en République centrafricaine, en Guinée équatoriale, au Cameroun, en République démocratique du Congo et au Gabon.
- Le chimpanzé nigérien P. t. vellerosus dans l’est du Nigéria et l’ouest du Cameroun au nord du fleuve Sanaga.
- Le chimpanzé occidental P. t. verus.
La sous-espèce nigérienne n’a été reconnue que récemment et jusqu’à présent nous ne disposons que de peu d’information sur son comportement et son écologie. P. t.verus and P. t.vellerosus sont les deux sous-espèces dont les effectifs sont les moins importants. Les chimpanzés Pan troglodytes peuplent les forêts tropicales humides mais quelques populations survivent dans des habitats de forêts plus sèches à arbres à feuilles caduques et dans des biotopes plus savanicoles, alternées avec des forêts galeries.
Comment vit un chimpanzé ?
Le chimpanzé, Pan troglodytes, est l’une des quatre espèces de grands singes appartenant à la famille des Hominidés, les trois autres étant l’Orang-outan, le gorille et le Bonobo. Cette famille inclut aussi l’Homme (Homo sapiens). Les chimpanzés sont diurnes et vivent au sein d’une structure sociale dite de fission-fusion : à tout moment la communauté de 5 à plus de 110 individus peut se diviser en sous-groupes instables puis se reformer. Ce dynamisme et cette fluctuation au niveau de la structure sociale permettent une flexibilité dans l’exploitation des ressources disponibles dans leur à certaines communautés de chimpanzés de réduire les problèmes de compétition intra- et interspécifique lors de périodes de pénurie de fruits ou dans les habitats dont les ressources sont inégalement distribuées ou même rares.
Les chimpanzés sont omnivores et ont un régime très varié. Ils peuvent consommer plus de 200 espèces de plantes dans leur environnement et, dans certaines communautés, ils peuvent utiliser des outils tels que des bâtons ou des pierres pour consommer des aliments qui leur resteraient inaccessibles, tels que la graine d’une noix ou les termites dans une termitière. Les fruits constituent la majorité de leur régime alimentaire. Les feuilles et les moelles de tiges de plantes herbacées sont des aliments régulièrement consommés. Les chimpanzés complètent aussi leur régime avec des fleurs, des écorces, des racines et des tubercules, de la gomme d’arbres et des insectes, par exemple, des termites, des fourmis (adultes et en larves), des larves d’abeilles, ou même de coléoptères. D’autres aliments sont consommés moins régulièrement tels des algues, des champignons, du miel, des oeufs d’oiseaux et des mammifères tels que le Colobe rouge (Procolobus badius).
Cependant, le comportement alimentaire des chimpanzés présente des variantes en raison de la disponibilité en fruits, du type d’habitat ; il varie encore selon les saisons et le répertoire culturel propre à chaque communauté.
Comment reconnaître un chimpanzé ?
Les mâles mesurent généralement 90-120 cm pour un poids variant entre 35 et 70 kg. Les femelles mesurent quant à elles environ 66-100 cm pour un poids variant entre 26 et 50 kg.
Les chimpanzés ont le pelage noir et la peau au niveau de leur visage est glabre et de couleur rose à noire (mais leur menton est poilu), de même que la peau des oreilles, de leurs paumes de main, et de la plante des pieds. Les jeunes ont la peau en général plus claire que les adultes, et ils ont une petite touffe de poils blancs au derrière et au menton, qui disparait avant l’âge adulte. Avec l’âge souvent, les poils blanchissent au niveau du dos et du menton.
Les chimpanzés ont comme les hommes les pouces opposables, mais les leurs sont plus courts que les nôtres. En revanche, leurs gros orteils de pieds sont aussi opposables et leur permettent de saisir des objets dans leur environnement avec précision. Les chimpanzés marchent à quatre pattes, ils sont quadrupèdes, que ce soit dans les arbres ou au sol. Ce mode de locomotion a rendu leurs bras plus longs que leurs jambes. Ils peuvent se servir de leurs longs bras pour cueillir des fruits au bout de fines branches qui ne pourraient supporter leur poids, ainsi qu’à se déplacer de branche en branche.
Les femelles peuvent se reproduire à n’importe quel moment de l’année. Lors de leur période de réceptivité, les femelles présentent un gonflement assez important de la région péri-anale. La période de gestation est en moyenne d’environ 8 mois, et naît un seul bébé – les jumeaux sont rares. Immédiatement après la naissance, le bébé sans défense s’accroche au pelage du ventre de sa mère. Plus tard il voyagera de plus en plus installé sur le dos de sa mère, même parfois jusqu’à l’âge de 4-6 ans. Une femelle chimpanzé donne naissance normalement tous les cinq ou six ans. La première naissance est généralement observée entre 9 et 12 ans. Les mâles sont fertiles vers l’âge de 7 à 8 ans environ. Dans leur milieu naturel, les chimpanzés sont connus pour vivre plus de 50 ans.
Auteurs : Tatyana Humle et Christelle Colin pour le Manuel des aires protégées d’Afrique francophone (extrait)