Des relevés de températures effectués pendant 25 ans dans l’est de l’océan Antarctique pointent un réchauffement des profondeurs de l’océan. Ces eaux plus chaudes font planer le risque d’une fonte de la calotte glaciaire.
Dans l’océan Austral, en Antarctique, les eaux se réchauffent en profondeur. C’est ce qu’ont observé des scientifiques français du CNRS, du CNES, de l’IRD, de Sorbonne Université, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier accompagnés de scientifiques australiens. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue Nature Communications ce 21 janvier. Pour la première fois, des mesures de température effectuées pendant 25 ans ont permis de mettre en évidence le fait que les eaux les plus profondes de l’océan glacial Antarctique se réchauffent de 0,04°C chaque année. Ces données proviennent de mesures effectuées plusieurs fois par an dans l’est de l’océan Austral, au sud de la Tasmanie.
Pour cela, l’Astrolabe, le brise-glace français chargé du ravitaillement de la base française scientifique Dumont-d’Urville, a été équipé d’un lanceur de sondes de températures. Chaque année, les mesures sont faites lors de trois navettes au cours de l’été austral. « Toutes les heures, un volontaire lance une sonde qui va permettre de relever les températures jusqu’à 800 mètres de profondeur. Cela est fait tous les 20 kilomètres », explique Matthis Auger, doctorant au CNES et Sorbonne Université. « La hausse des températures n’a pas été exponentielle mais plutôt lisse », ajoute-t-il.
Courants chauds dans les profondeurs de l’Antarctique
« La tendance du réchauffement en 25 ans est deux à trois fois plus forte que l’inter variabilité annuelle typique de la région », explique Jean-Baptiste Sallée, chercheur au CNRS spécialiste de l’océan Austral. Pour lui, ce réchauffement est « constant et robuste ». « L’océan Austral est en train de réchauffer très fortement », alerte-t-il. Puis il ajoute que « la hausse peut sembler subtile, mais elle est en réalité conséquente. La température de cet océan ne varie que très peu habituellement ». Les scientifiques sont parvenus à mettre en évidence que dans le même temps, la surface de l’océan, elle, refroidit. « Ce refroidissement limité aux quelques premières dizaines de mètres sous la surface de l’océan serait causé par la fonte de la calotte glaciaire », précise M. Sallée.
Selon Jean-Baptiste Sallée, ces mesures permettent d’évaluer « de manière assez fine » la manière dont s’opère ce changement climatique. Le réchauffement des eaux en profondeur est causé par le réchauffement atmosphérique qui se propage dans les eaux. « Dans le cadre du changement climatique, l’océan stocke énormément de chaleur. En fait, 90% de l’excès d’énergie sur Terre se retrouve dans l’océan qui est une éponge à chaleur et à carbone », indique le scientifique. Et ce phénomène est particulièrement observé en Antarctique. « Dans l’océan Austral, il y a une forte réduction entre la surface et les profondeurs. Il y a des courants qui plongent vers les profondeurs. C’est notamment pour cela que cet océan est une pompe à chaleur aussi efficace », étaye M. Sallée.
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La calotte polaire « moins protégée »
Pour l’instant, les scientifiques se gardent de présenter tout scénario sur l’évolution de la situation. Pourtant, ces derniers s’interrogent sur les conséquences que ces eaux pourraient engendrer. Cela s’explique par le fait que l’eau qui se réchauffe remonte en surface, et se rapproche des glaciers. Les chercheurs se demandent ce qu’il se passera lorsque ces eaux seront moins profondes et pourront s’infiltrer sur le plateau continental au contact de la calotte polaire. « Ce point pose question par rapport au futur de la calotte polaire », concède Jean-Baptiste Sallée.
Habituellement, dans l’Antarctique de l’ouest, la calotte polaire fond plus rapidement, sous l’effet d’eaux plus chaudes dans cette région. Désormais, la calotte polaire de l’Antarctique de l’est fond aussi vite que de l’autre côté du continent. « La calotte polaire antarctique devient de moins en moins protégée. Ces eaux assez chaudes pour faire fondre de la glace représentent une certaine menace », prévient M. Sallée. Dans le même temps, Matthis Auger rappelle qu’il est « très difficile de dire comment la situation va évoluer ».
Chaymaa Deb