Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dresse les défis que doit relever la France dans sa transition énergétique. Si sa stratégie bas carbone montre la voie aux pays européens, le France reste en retard sur ses objectifs. Natura Sciences détaille les points à retenir de ce rapport.
« Les cinq à dix années à venir seront déterminantes ». Le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), intitulé « La politique énergétique de la France – Revue en profondeur de 2021 » dresse le bilan des objectifs que doit relever la France dans sa transition énergétique. La remise de ce rapport au ministère de la transition écologique a fait l’objet d’une conférence de presse ce mardi 30 novembre. Le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, détaillait les grandes lignes du rapport. Malgré des réformes en cours et un leadership revendiqué, la France reste en retard dans ses objectifs climatiques et énergétiques.
La revue identifie cinq axes majeurs. Tous invitent la France à intensifier ses efforts pour atteindre « ses objectifs de transition énergétique ». Parmi eux, la décarbonation du mix électrique, le développement des énergies renouvelables, l’accélération de la mise en œuvre des politiques climatiques, l’innovation et la sécurité de la transition vers des énergies moins polluantes. En guise de réponse, la ministre Barbara Pompili est revenue sur les différentes mesures adoptées pendant le quinquennat. Elle assume en même temps un retard sur l’efficacité énergétique et le déploiement du renouvelable. « Notre politique énergétique associera tout d’abord une grande modération de nos besoins énergétiques grâce à des efforts continus d’efficacité et de sobriété énergétique avec 40% de consommation globale d’énergie en moins en 2050″, a déclaré la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili.
Accélérer le déploiement des énergies renouvelables
Le rapport de l’AIE observe une augmentation de la part des énergies renouvelables en France. Si le développement des énergies éoliennes et du solaire photovoltaïque (PV) a progressé ces dix dernières années, l’hydroélectricité représente toujours « la moitié de l’électricité renouvelable produite en France ». Toutefois, l’objectif en termes de part d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie n’ont pas été atteints. Au lieu des 23% objectivés en 2020, cette part ne s’élève qu’à 19,1%.
Pour combler cet écart, que la revue explique par « le manque de moyens humains et la longueur des procédures administratives », l’AIE recommande à la France de « multiplier par deux la puissance de ses installations solaires PV en trois ans ». Car les investissements privés pour de nouvelles installations de production à grande échelle manquent à l’appel. En plus, le développement de l’éolien offshore constitue un secteur où la France reste « loin derrière ses voisins » européens, tels que la Suède, la Finlande, ou la Lettonie.
Pour rattraper ce retard, Barbara Pompili compte sur un développement « massif » des énergies renouvelables. « Il sera nécessaire de doubler cette production d’énergie renouvelable d’ici 2030, et de les accroître encore davantage d’Ici 2050 », a-t-elle convenu. En outre, l’éolien en mer, et le photovoltaïque figureront des priorités, soutenues par la Commission européenne. Celle-ci a accordé 30 milliards d’euros pour accélérer la transition énergétique de la France, entre 2021 et 2026.
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Clarifier ses positions sur le nucléaire
En plus de ces leviers, Barbara Pompili a rappelé la volonté d’Emmanuel Macron de relancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en complément des énergies renouvelables. Leur déploiement constitue par ailleurs une recommandation majeure de l’étude « Futur Energétique 2050 ». Ce travail a été demandé par le Ministère de la transition écologique deux ans auparavant. Le gouvernement a repoussé la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% à 2035, initialement prévue pour dix ans plus tôt. Une décision que recommandait déjà l’AIE en 2015. « Elle permet à la France de conserver les avantages de l’électricité bas carbone dans sa transition énergétique », détaille la revue.
Mais le rapport est formel. Le nucléaire s’inscrit comme une urgence pour la France. Fatith Birol déplore que les décisions sur la modernisation du parc nucléaire tardent. « Le pays dispose d’un parc nucléaire vieillissant qui, sous réserve que la sûreté soit garantie, devra être modernisé pour continuer d’être exploité à long terme et ainsi œuvrer pour une transition énergétique sûre et abordable », expose le rapport. Le directeur exécutif remarque que le manque de visibilité sur la politique énergétique entraîne une absence de décision sur le moyen de financement de la modernisation du parc. Il invite alors la France à se positionner sur l’après-nucléaire.
Revoir ses objectifs sur la mobilité électrique
L’AIE insiste sur la nécessité d’améliorer l’efficacité énergétique. Le rapport revient sur les objectifs jugés « ambitieux » de la France sur le passage aux véhicules et hybrides rechargeables. Malgré les initiatives françaises, telles que la Stratégie pour la mobilité et de la loi d’orientation des mobilités de 2019 et la loi Climat et Résilience de 2021, les objectifs ne sont pas assez ambitieux. « Elle (la France) n’atteindra probablement pas l’objectif fixé (…) au sujet du déploiement des véhicules électriques et des infrastructures de changement avec un objectif de vente de 4.8 millions à l’horizon 2028 », note l’AIE.
Et pourtant, la France dispose déjà d’un mix électrique décarbonné contrairement à ses voisins. « Dans le sillage de la Norvège, de la Suède, des Pays-Bas et de l’Allemagne, la France est en train de rattraper son retard sur le marché européen de la mobilité électrique », précise la revue. La ministre a tenu à rappeler que 460 000 bonus écologiques et 870 000 primes ont été attribuées depuis le début du quinquennat. Pour répondre aux recommandations de l’AIE, « le gouvernement œuvre pour la modernisation du parc automobile français avec des bonus écologiques et primes à l’augmentation », a-t-elle confirmé.
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La rénovation des bâtiments, levier pour la neutralité carbone
Malgré les recommandations sur les investissements privés pour satisfaire ses objectifs, l’AIE reconnaît les efforts de la France pour parvenir à une transition écologique « durable ». L’agence salue notamment son ambition financière. Les dispositifs lancés par le gouvernement français visent à accélérer la réalisation de ses objectifs énergétiques et climatiques. Parmi eux, le plan France Relance visant à relancer l’économie après l’épidémie de Covid-19, ainsi que le programme MaPrimeRénov. Ce dernier permet de financer des travaux de rénovation énergétique (chauffage, isolation, ventilation…). Le programme est perçu comme « innovant » pour permettre l’efficacité énergétique des bâtiments. Le rapport recommande toutefois que l’argent des contribuables « soit utilisé efficacement« . Pour cela, les mesures en faveur de la neutralité carbone, comme le chauffage résidentiel, peuvent « favoriser les investissements privés ».
Sur la rénovation des bâtiments, Barbara Pompili a revendiqué son ambition d’aller « encore plus loin ». La ministre vise de nouveaux objectifs en termes de rénovations dites « complètes ». Pour cela, le gouvernement préconise la mise en place d’un service de suivi, appelé « Accompagnateur Rénov« , inscrit dans la loi Climat et Résilience. Dès 2022, cet acteur guidera les ménages pour le choix de leurs travaux. Cet accompagnement servira à améliorer l’efficacité énergétique, tout en « diminuant leurs factures ». Au total, les ménages les plus modestes ont bénéficié de 80% des montants de MaPrimeRénov depuis le 1er janvier 2022. « C’est un vrai succès et une vraie réussite pour cette aide qui sera reconduite en 2022 pour un montant de 2 milliards d’euros », s’est réjouie Barbara Pompili. La ministre compte alors sur la nouvelle réglementation environnementale de bâtiments pour exclure progressivement les énergies fossiles.
Sophie Cayuela