Le Haut Conseil pour le climat évalue les moyens de maîtriser l’impact carbone de la 5G. Il insiste sur le rôle des opérateurs pour maîtriser les usages et sensibiliser les futurs utilisateurs.
« Si on regarde une pratique précise, on peut estimer que la 5G réduit la demande électrique, prévient Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le Climat (HCC). Mais la grande question concerne la demande en général : si la 5G est disponible à toutes sortes de nouveaux usages additionnels, cela va créer des demandes nouvelles et dans l’ensemble, il est vraisemblable que la demande augmente. »
En ce sens, le Haut Conseil pour le climat a évalué les moyens de maîtriser l’impact carbone de la 5G. Dans son avis, il insiste sur l’importance de maîtriser les usages à venir de la 5G. Actuellement, l’empreinte carbone du numérique s’élève à environ 15 millions de tonnes équivalent de CO2. Soit environ 2% de l’empreinte carbone française. « Selon l’intensité du déploiement, l’impact carbone de la 5G pourrait ajouter entre 2,7 et 6,7 millions de tonnes de CO2 en 2030, la majeure partie provenant des émissions importées et le reste provenant de l’augmentation de l’utilisation de l’électricité, détaille Corinne Le Quéré. L’incertitude est très forte. Il faut toutefois anticiper dès maintenant les risques au regard de la trajectoire vers la neutralité carbone. »
Mieux anticiper et maîtriser les usages de la 5G
Le HCC relève un manque important d’études en amont du déploiement de la 5G. Il n’y a eu ni évaluations environnementales ni études sur les émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a pas eu plus de réflexion sur les mesures à déployer pour effectuer un suivi de l’empreinte carbone. Le déploiement de la 5G commence dans ces conditions, avec des usages peu anticipés pour les citoyens. « L’expérience du déploiement des technologies numériques montre que les usages finaux sont rarement ceux anticipés », rappelle Corinne Le Quéré. Si les usages de la 5G les plus anticipés sont ceux à destination des entreprises, il n’est ainsi pas à exclure la multiplication des offres de service pour les particuliers et la hausse des émissions.
Le Haut Conseil pour le climat montre que la hausse des émissions liées au développement de la 5G provient majoritairement de l’extension de l’infrastructure numérique, via la construction de nouvelles antennes et de nouveaux centres de données. La hausse provient aussi d’émissions indirectes, via le renouvellement plus rapide des terminaux, de l’émergence de nouveaux objets connectés, nouveaux services et leur utilisation.
Un impact carbone poussé par la production des équipements et infrastructures
Si la 5G était développée sans conditions, environ la moitié de son impact carbone proviendrait de la production des terminaux, un quart du développement des réseaux et des datacenters et un quart de leur utilisation, calcule le HCC. « Pour les trois quarts, c’est vraiment les émissions de la production d’équipements qui nous permettent d’optimiser cette 5G plutôt que l’utilisation de la 5G elle-même », prévient Corinne Le Quéré.
Le HCC invite les vendeurs de terminaux et les fournisseurs de services numériques à sensibiliser les utilisateurs sur les impacts de leurs usages de la 5G. « On parle d’affichage environnemental sur les terminaux ou de guides de bonnes pratiques, précise Corinne Le Quéré. Cette exigence de sobriété énergétique ne doit pas reposer sur les usagers en aval mais bien sur la définition des services numériques et des technologies en amont. » Il s’agira pour l’industrie de prendre en compte les impacts environnementaux potentiels du développement de la 5G et de faciliter les réductions d’émissions.
Pour agir sur les émissions liés aux usages, il s’agira de réglementer les usages « qui n’ont pas des bénéfices proportionnés au coût énergétique et au coût en émissions », précise Corinne Le Quéré. C’est par exemple le fait de regarder des vidéos 4K sur un smartphone. En ce sens et alors qu’une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France est actuellement en discussion, il devient urgent de faire entrer dans le débat public la question de la priorisation de certains usages numériques. Il y a des choix à faire, une trajectoire climatique à respecter : le choix sera désormais politique.
Par Matthieu Combe