Erik M. Conway et Naomi Oreskes se livrent à un essai de prospective. Dans L’effondrement de la civilisation occidentale (LLL Les liens qui libèrent, 128 p., 13,9€), un historien de 2093 tente de répondre à la question suivante : pourquoi sommes-nous restés inactifs, alors que nous disposions d’informations scientifiques robustes sur le changement climatique et que nous savions quels terribles événements allaient suivre.
Nous sommes en 2093, avènement de l’ « Age de la Pénombre », et deux historiens futurs se retournent sur leur passé – qui est notre présent et notre avenir probable. Tout avait pourtant bien commencé avec la création du GIEC en 1988. Mais rapidement le « déni » se répand en faisant valoir l’incertitude des données scientifiques. Les effets du changement climatique s’intensifient, et en 2023, l’année de l’«été perpétuel », il y a 500 000 morts et 500 milliards de dollars de perte.
Puis la loi dite de « négation de la hausse du niveau de la mer » est adoptée par certains états. Mais rien n’y fait. La nature se déchaîne sans que les mesures nécessaires ne soient prises. Pendant l’été 2041, des vagues de chaleur sans précédent détruisent les récoltes. Panique, émeutes, migration de masse, hausse explosive des populations d’insectes, épidémies. L’ordre social s’effondre dans les années 2050 et les gouvernants, acquis à l’idéologie néolibérale, se retrouvent désarmés devant la nécessité d’une intervention massive de l’état…
Les pays ratifient alors la convention des Nations unifiées sur la géo-ingénierie et la protection du climat et préparèrent les plans du projet international de géo-ingénierie pour refroidir le climat. L’injection d’aérosols débute en 2052 et s’achève brutalement en 2063 en raison d’un effet secondaire qui avait pourtant été prévu : la Mousson indienne a disparu. La température regagne rapidement les 0,4°C perdus par l’injection d’aérosols, mais s’accompagne d’un effet rebond de 0,6°C, propulsant la hausse de la température mondiale à près de 5°C.
Vers 2090, une généticienne japonaise développe un lichen qui absorbe le CO2 atmosphérique. Vingt ans plus tard, il recouvre toute la planète. Le monde peut alors se reconstruire, mais les populations humaines australiennes et africaines ont disparu. La hausse du niveau des mers a fait disparaître de nombreuses terres. Notre civilisation occidentale s’est effondrée.
Un essai d’anticipation performant
En imaginant la situation vers laquelle l’humanité s’oriente si les pays ne parviennent pas à lutter contre le réchauffement climatique, les auteurs démontrent pourquoi notre civilisation demeure inactive. Deux idéologies dominent : le positivisme et le fondamentalisme de marché. Quand les effets du Grand Effondrement se sont fait sentir, les démocraties n’ont d’abord pas voulu, puis pas pu faire face à la crise. Ils se sont ensuite retrouvés sans l’infrastructure et la capacité organisationnelle pour lutter.
Facile à lire, cet essai se veut un plaidoyer pour éviter à l’humanité ce que les auteurs nomment l’ « Âge de la pénombre » et les catastrophes liées au « Grand effondrement ».