Assiettes trop généreuses, mauvais management des équipes, ou encore impossibilité de prévoir les commandes des clients favorisent le gaspillage en restauration. Pour y remédier, des restaurateurs engagés cherchent des solutions. Des attentes auxquelles répond Framheim qui met l’économie sociale et solidaire au service de la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Qui n’a jamais salivé devant un plat au restaurant avant d’en jeter la moitié nous jette la première pierre. La restauration hors domicile n’échappe pas aux problèmes liés au gaspillage alimentaire. Chaque année en France, 3,7 milliards de repas sont préparés par les 150.000 entreprises du secteur de la restauration commerciale. Et selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), le gaspillage alimentaire y est courant. En moyenne, chaque repas générerait 270 grammes de biodéchets, dont 125 grammes sont consommables. À raison de 0,5€ par repas, la note du gaspillage alimentaire s’élève à 1,85 milliard d’euros par an pour les restaurateurs.
Selon l’Ademe, 1,33 million de tonnes de nourriture serait gaspillée chaque année dans la restauration commerciale et collective. Dans les cantines scolaires et autres selfs d’entreprises sont servis environ 3,8 milliards de repas par an. Ainsi, en plus des 30 kilos de nourriture gaspillés par Français et par an au sein du foyer s’ajoutent donc 21 kilos de gaspillage lié à la restauration. La principale cause du gaspillage alimentaire dans la restauration est la difficulté des professionnels à anticiper les commandes des clients. Sont également mises en cause les assiettes trop généreuses. « Un tiers des frites servies aux clients finissent à la poubelle » s’offusque Dominique Bréchon, cofondatrice de Framheim.
« Une baguette à la poubelle, c’est une baignoire d’eau à la poubelle! »
Depuis 2015, Framheim, une start-up lancée par Dominique Bréchon et Vincent Dantonel, ambitionne d’aider les restaurateurs. L’entreprise établit des diagnostics permettant aux restaurateurs d’analyser la composition de leurs déchets pour, si possible les valoriser. « Le meilleur déchet, c’est celui que l’on ne produit pas. On n’est pas là pour vider les poubelles, on est là pour ne pas les remplir » explique la cofondatrice. Concrètement, cela se manifeste par un audit qui permet notamment aux restaurateurs d’acheter les bonnes quantités d’aliments. « Notre rôle est de gérer le problème à la source » explique Anne Poirot, consultante en alimentation durable chez Framheim. Elle ajoute :« c’est ce qui nous différencie des plateformes qui gèrent les invendus. Elles sont certes essentielles, mais dans un monde idéal elles n’existeraient même pas ».
Autre point abordé avec les restaurateurs : la qualité des aliments. Pour Dominique Bréchon, plus un aliment est qualitatif, moins il finit aux ordures. Et veiller à la qualité d’un aliment permettrait également d’alléger l’impact environnemental d’un repas. « Comme il est gratuit en France, le pain est gaspillé partout, surtout lorsqu’il n’est pas de qualité. Or, une baguette à la poubelle, c’est une baignoire d’eau à la poubelle ! » poursuit-elle. Aujourd’hui, de nombreux restaurateurs sont activement engagés dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Afin de les identifier, Framheim a mis en place, depuis 2018 le label « Restaurant Engagé dans la lutte contre le gaspillage alimentaire ». Depuis cette année, environ 150 établissements détiennent ce label, à l’image de ceux de Stéphanie et Frédéric Mathey.
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« Limiter le gaspillage alimentaire est essentiel pour être économiquement viable »
Ce couple jovial et dynamique gère trois bistrots à Paris, dont l’Intermède dans le 13ème arrondissement. Et ils mettent un point d’honneur à réduire au maximum le volume de leurs déchets. « Un bistrot de quartier, c’est peu rentable. Alors limiter le gaspillage est essentiel pour être économiquement viable » explique Stéphanie Mathey. Avec l’aide de Framheim, la restauratrice affirme avoir réduit de moitié sa poubelle de préparation. Ainsi, ses pelures de potimarron viennent sublimer ses succulentes verrines à la pomme rôtie. « Valoriser ces déchets-là nous permet de gagner les 2 ou 3% de rentabilité qui nous permettent de garder la tête hors de l’eau. Si on gaspillait ce serait la mort. Sans gaspillage, on évite la mort » déclare-t-elle sans ambages.
Néanmoins, Stéphanie Mathey ne vit pas dans l’utopie d’un zéro déchet absolu. Cela tient aux exigences des clients qui seraient incompatibles avec l’arrêt total de la production de déchets. Par exemple, les épluchures de pommes de terre, essentielles pour faire ses frites maison. « J’en aurai toujours, je ne peux pas me passer de ce produit. Vous imaginez un bistrot sans frites ? C’est impossible ! » plaisante-elle. En revanche, elle attend de pied ferme que la ville de Paris traite ces déchets organiques. « Il serait grand temps que la ville mette en place un méthaniseur » considère Stéphanie Mathey. Cela permettrait de produire du bio-méthane, qui pourrait notamment servir à faire rouler des bus. Avis aux futurs candidats à la mairie de Paris…
Auteur : Chaymaa Deb, journaliste du magazine Natura-sciences.com