«Le bio, c’est bon pour l’environnement, bon pour ma santé » vous diront beaucoup de personnes à la caisse de leur hypermarché préféré. D’autres vous diront que le bio est une arnaque. Si la bio n’utilise pas de pesticides chimiques, n’utilise-t-elle pas des pesticides bio ? Ces produits sont-ils réellement inoffensifs ? Natura Sciences vous répond.
La bio interdit l’usage des produits chimiques de synthèse (pesticides et engrais) et des OGM. Un seuil de contamination accidentel par les OGM fixé à 0,9 % est tout de même toléré. Le principe de dilution n’existe pas en matière d’OGM. Ce seuil s’applique pour chaque ingrédient ou aliment, pris individuellement. Les cultures s’orientent souvent vers des espèces rustiques, bien adaptées aux conditions naturelles de chaque région pour mieux résister aux maladies.
Les agriculteurs bio tentent en premier lieu de prévenir les maladies et les attaques de ravageurs en enlevant, par exemple, les feuilles mortes où se reproduisent les champignons. Si cela ne suffit pas, ils ont recours à des pesticides d’origine naturelle.
Quels sont les pesticides bio ou naturels ?
Les pesticides bio autorisés par la règlementation sont répartis en sept catégories : les substances actives d’origine animale ou végétale (purin d’ortie, huiles végétales, pyréthrines, etc.), les micro-organismes, les substances produites par des micro-organismes, les substances à utiliser uniquement dans des pièges ou des distributeurs (par exemple phéromones et certains pyréthrinoïdes), les préparations à disperser en surface entre les plantes cultivées (molluscicides), les autres substances traditionnellement utilisées dans l’agriculture biologique (notamment cuivre, souffre, huile de paraffine, etc.) et les autres substances telles que l’hydroxyde de calcium et le bicarbonate de potassium.
Ces pesticides bio ne sont pas forcément anodins. Il ne faut pas confondre « naturel » et « sans danger ». C’est d’ailleurs bien pour leur efficacité qu’ils sont utilisés ! Cependant, il faut remettre en perspective le décalage de dangerosité entre les produits utilisables en bio et les pesticides chimiques. Les pesticides bio naturels se dégradent plus rapidement que les produits de synthèse, à l’exception du soufre et du cuivre. De fait, on trouve moins de résidus dans la nature et donc, indirectement, dans les aliments.
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Une interdiction totale des herbicides en bio
Concernant la lutte contre l’envahissement des mauvaises herbes, les seuls moyens utilisables sont la rotation des cultures, les procédés mécaniques de travail du sol et le désherbage thermique. Les herbicides sont totalement interdits. Cette interdiction est importante, car les herbicides représentent tout de même 35 % des pesticides utilisés. De plus, cette famille comprend les molécules connues pour être des contaminants majeurs des eaux de surface.
Pour lutter contre les champignons, les moyens utilisables sont le paillage, la solarisation et les fongicides. Par paillage, on entend la pose au pied des plants d’un matériau servant d’écran plus ou moins imperméable entre le sol et l’atmosphère. Enfin, la solarisation consiste en la pose d’un film plastique en polyéthylène sur le sol permettant la désinfection solaire du sol. Les deux principaux fongicides restent le cuivre, utilisé sous différentes formes, ainsi que le soufre. Il s’agit de deux produits préventifs de contact, sensibles au lessivage. Au passage, on notera tout de même que le soufre est issu du raffinage de gaz et de pétrole, provenance pas très durable…
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Le cuivre, principal souci dans la bio
L’abus de cuivre en viticulture bio peut endommager les sols. N’étant pas biodégradable, celui-ci s’accumule dans le sol et crée une pression sur les microorganismes, champignons et animaux qui y vivent.[1] Cependant, les mécanismes d’actions des métaux et leurs effets sur le fonctionnement des sols sont encore mal identifiés. Le problème est que le cuivre est le seul fongicide connu, non considéré comme chimique, réellement efficace contre le mildiou de la vigne.
Malgré ces impacts environnementaux,la Commission européenne a prolongé l’autorisation du cuivre en janvier 2009 et ce, pour sept ans, en attendant de trouver un produit de remplacement. Le Danemark l’a interdit totalement, les Pays-Bas ont choisi de l’interdire en agriculture conventionnelle, mais l’autorisent encore en agriculture biologique… En France, les applications ne peuvent plus excéder 6 kg/ha/an depuis 2006. La question est donc loin d’être tranchée. La solution proviendra certainement de l’utilisation d’extraits de plantes. Une équipe de Genève travaille d’ailleurs avec neuf Premiers grands crus Bordelais sur ce point.[2]
La rotation des cultures maîtrise les « mauvaises herbes »
L’agriculture biologique constitue un mode de production soucieux du respect des équilibres naturels. Ainsi, les agriculteurs bio pratiquent la rotation des cultures. Cette méthode consiste à cultiver sur une même parcelle des plantes différentes d’une année sur l’autre. En évitant des prélèvements uniformes, elle permet au sol de reconstituer son stock de nutriments, de s’aérer et de nourrir les différents organismes qui y vivent. L’alternance empêche les nuisibles et les maladies spécifiques à chaque espèce de se développer dans les proportions observées dans les monocultures.
Cette rotation permet également la maîtrise des « mauvaises herbes », la prévention des maladies, la prévention contre les ravageurs, la gestion optimisée de la fertilisation et la préservation de la biodiversité. Dans le même temps, l’agriculture biologique prête attention à la nature environnante. La raison est simple et tombe sous le bon sens : les haies et les lisières abritent des animaux capables, par leurs prédations, de réguler les populations d’insectes et de réduire par-là les dommages aux cultures. Cette agriculture fait ainsi appel à la lutte biologique directe pour protéger les cultures des parasites et des insectes ravageurs.
La fertilité, la biodiversité et l’activité biologique des sols sont entretenues par la rotation des cultures, plutôt que par l’apport d’engrais chimiques de synthèse ou l’épandage de boues de stations d’épuration. L’épandage de matières organiques ou d’effluents d’élevage compostés, provenant de la filière biologique fait bien l’affaire. Ce remplacement limite la contamination par les métaux lourds. La dépendance de l’agriculture au pétrole est de surcroît minimisée. En effet, il faut deux tonnes de pétrole pour produire une tonne d’engrais chimiques… L’apport d’engrais azotés de synthèse engendre de plus des émissions de protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre dont le pouvoir de réchauffement global sur cent ans est 296 fois plus élevé que celui du CO2.
Une période de conversion importante
Pour s’assurer que les sols sont en bon état écologique lorsque l’agriculteur commence à vendre du bio labellisé, un temps de conversion est imposé. Cette conversion s’applique parcelle par parcelle, en fonction des cultures. La durée de conversion est de deux ans pour les cultures annuelles ou semi-pérennes. Elle est de trois ans pour les cultures pérennes. Ce laps de temps permet également à l’agriculteur d’acquérir de nouveaux savoir-faire basés sur une plus grande observation de la nature et sur l’emploi d’engrais et de pesticides naturels.
D’autres contrôles se font, en théorie, à tous les stades, depuis la production primaire d’un produit biologique, en passant par son stockage, sa transformation, son transport et ce jusqu’à sa vente au consommateur final. Ces contrôles sont menés par l’un des six organismes agréés par les pouvoirs publics : Aclave, Agrocert, Ecocert, Qualité France, SGS et Ulase.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com
Notes et Références
[1] Review sur la contamination des vignes par le cuivre et les produits phytosanitaires. KOMAREK, M. et al. Contamination of vineyard soils with fungicides : A review of environnemental and toxicological aspects. Environnement International, 2010, Vol.36, N°1 pages 138-151
[2] Châteaux concernés : Château Ausone, Château Cheval Blanc, Château Haut-Brion, Château Lafite Rothschild, Château Latour, Château Margaux, Château Mouton Rothschild, Château Petrus et Château d’Yquem. Source : Chercheurs suisses aux côtés des meilleurs Bordeaux, 04 août 2011, swissinfo.ch)