Entrés en vigueur en décembre 2013, deux règlements européens limitent l’usage de 3 insecticides néonicotinoïdes et du fipronil en Europe. Le texte prévoit la réévaluation des données scientifiques disponibles au bout de 2 ans pour prolonger ou non ces restrictions. Au moment où un amendement a été voté à l’Assemblée Nationale pour interdire l’ensemble des néonicotinoïdes en France, faisons le point sur les résultats de ces règlements.
Depuis 2013, le règlement 485/2013 restreint l’usage de 3 néonicotoninoïdes (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame) à l’enrobage de semences des céréales d’hiver uniquement et à la pulvérisation après la floraison des cultures attractives pour les abeilles. Le règlement 781/2013 interdit presque totalement l’usage du fipronil.
Il n’y a pas de données disponibles pour la France, mais « au Pays-Bas, les restrictions font qu’il n’y a qu’une baisse de 15 % du tonnage de néonicotinoïdes utilisés », assure Martin Dermine, Coordinateur abeille pour l’association PAN EUROPE (Pesticides Action Network – Europe). L’interdiction partielle n’a donc que peu d’influence sur la santé des abeilles et des autres pollinisateurs pour le moment.
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Comment réévaluer la toxicité des néonicotinoïdes?
Ces deux décisions de règlement sont basés sur un avis rendu par l’EFSA. « Après deux ans, il y a une obligation de réévaluer les données scientifiques disponibles, mais il n’y a pas une obligation de revoir cette décision », précise Martin Dermine. Ainsi, début mars, la Commission Européenne a envoyé un mandat à l’EFSA pour qu’elle lance un « appel à données scientifiques ». « Les chercheurs indépendants, les ONG, les associations d’apiculteurs et les industriels vont pouvoir envoyer les données sur la toxicité des néonicotinoïdes sur les abeilles, les abeilles solitaires et les pollinisateurs », détaille le coordinateur abeille. Les entreprises concernées sont Bayer, Syngenta et BASF.
Le nouvel avis de l’EFSA devrait être publié début 2016. « Sur la base de cet avis, la Commission européenne va décider ou non de revoir le règlement d’interdiction des 3 néonicotinoïdes », prévient Martin Dermine. Pour le fipronil, la démarche sera probablement similaire.
Qu’attendre de la révision des données ? Selon la littérature indépendante, la toxicité des néonicotinoïdes est confirmée sur les abeilles et les bourdons, les oiseaux et les milieux aquatiques. « A ces études indépendantes, vont sûrement s’opposer des études produites par l’industrie des pesticides », prévoit Martin Dermine. Celles-ci viseront à relativiser les dangers des néonicotinoïdes. PAN EUROPE demande donc une « transparence totale » sur les données fournies par l’industrie des pesticides et sur les protocoles utilisés. Des tractations politiques et un lobbying industriel importants s’ajouteront à cette réévaluation des données.
Avec l’apparition des insecticides néonicotinoïdes et le fipronil en France en 1994, les mortalités observées dans les ruchers passent de 5 à plus de 30 %. Les rendements de miel par ruche sont significativement réduits faisant passer la production nationale de 32 000 tonnes en 1995 à 10 000 tonnes en 2014. Plusieurs études scientifiques indépendantes montrent pourtant que les néonicotinoïdes n’augmentent pas notablement les rendements.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com