Le nouveau Global nutrition report indique que près de la moitié de la population mondiale souffre de malnutrition. Ce fléau a des conséquences sur la santé des populations, mais également sur l’environnement.
Près de la moitié de la population mondiale souffre d’une mauvaise nutrition. C’est ce que révèle la publication annuelle “Global nutrition report” (GNR) dévoilée ce mardi. À cette occasion, des données provenant d’organisations comme l’ONU, la FAO, l’OMS et l’Unicef ont été compilées. Elles indiquent qu’actuellement, 48% de la population mondiale mange trop ou trop peu. Si la première hypothèse a pour conséquence directe l’obésité, la seconde peut induire dénutrition, émaciation et problèmes de croissances.
L’Organisation mondiale pour la santé (OMS) avait fixé neuf objectifs nutritionnels pour l’horizon 2025. « Ces objectifs ont été définis pour améliorer la santé des populations et réduire les inégalités entre les individus. Le but de ces objectifs est d’avoir une population en bonne santé. Mais aussi d’arriver à atteindre une égalité d’accès à l’alimentation et aux soins. Ils ont été fixés pour pouvoir jouer sur des leviers et améliorer l’état de santé de l’enfant, de l’adulte, de la personne âgée », explique Béatrice Morio-Liondore, présidente de la Société Française de Nutrition. Mais au rythme actuel, huit ne pourront pas être atteints selon le Global nutrition report.
Les personnes âgées premières touchées par la dénutrition
La notion de malnutrition comprend la dénutrition. Les personnes atteintes ne mangent pas suffisamment pour leur âge, leur poids et leur taille. « En France, ce sont surtout les personnes âgées qui sont touchées par la dénutrition. Pour les enfants, nous avons une politique de prévention qui commence au moment de la conception. Cette accompagnement se poursuit tout au long de la grossesse et durant les premières années de vie. Par contre, dans d’autres pays, il y a un problème de prise en charge des enfants. Ils peuvent alors naître avec un petit poids de naissance, des problèmes de nutrition, d’allaitement pendant les premières années et un retard de croissance », précise Béatrice Morio-Liondore.
Parmi les objectifs qu’il semble actuellement compliqué à atteindre, il est possible de retrouver la réduction de l’émaciation des enfants, soit un enfant est trop mince pour sa taille. Actuellement, près de 45 millions d’enfants sont concernés. Les retards de croissance ne pourront pas non plus être freinés. Aujourd’hui, le rapport estime à 150 millions le nombre d’enfants de moins de cinq ans qui en souffrent.
L’obésité croissante selon le Global nutrition report
Les fast-food, les produits ultra transformés, trop gras, trop sucrés ou trop salés font aussi partie du problème. Cette alimentation excessive est dans le même temps paradoxalement lacunaire. Pour cause, ces produits ne contiennent pas assez de minéraux, de vitamines, ou de fibres. Ces micronutriments sont pourtant essentiels à une alimentation équilibrée. Par leur composition, ces produits favorisent la prise de poids, et à terme l’obésité.
« Les conséquences de l’obésité sont multiples et très diverses. Il y a une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires, de risque de diabète de type II, de risque de voir se développer certains cancers, des problèmes respiratoires et ou des problèmes rénaux. On a aussi des problèmes liés aux articulations, à l’autonomie des personnes. Il y a aussi un impact sur l’aspect psychologique, avec des phénomènes de dépressions plus marqués. Le panel est très large, cette liste n’est pas exhaustive, et les conséquences sont nombreuses », insiste la présidente de la Société Française de Nutrition.
À ce jour, 40% de la population mondiale adulte, soit 2,2 millions de personnes, souffrent d’obésité. Les enfants en sont également victimes. 40 millions d’entre eux sont en surpoids. Selon le GNR, si la tendance actuelle se poursuit, l’objectif de réduction de l’obésité ne pourra pas non plus être atteint à l’horizon 2025. « Placez vous dans un situation où vos revenus sont insuffisants. En face vous avez des aliments qui sont peu chers, qui vont couvrir vos besoins énergétiques, puisque vous n’aurez pas faim en les mangeant, mais qui sont complètement insuffisants en micronutriments pour votre santé. Le choix est vite fait pour orienter les achats vers des aliments qui vont favoriser la prise de poids », explique Béatrice Morio-Liondore.
Des décès évitables en hausse
Cette mauvaise alimentation, qu’elle soit trop importante ou pas assez, a des conséquences sur la santé des populations concernées. Des répercussions graves, pouvant aller jusqu’au décès, pourtant évitable si l’alimentation avait été adaptée. « Les décès évitables, dus à une mauvaise alimentation, ont augmenté de 15% depuis 2010 » pour représenter aujourd’hui « un quart de tous les décès d’adultes », a déclaré à l’AFP la présidente du groupe d’experts indépendants du Global nutrition report, Renata Micha.
Pour la présidente de la Société Française de Nutrition, « Le problème est complexe. Pour pouvoir agir sur ce phénomène, il faut actionner plusieurs leviers. Ils sont au niveau de l’éducation, de la prise en charge médicale. Mais aussi de l’accès à une alimentation de bonne qualité et diversifiée, notamment en ce qui concerne les fruits et légumes. À côté de ça, il faut aussi considérer la pression dans d’autres domaines. Ce sont des politiques publiques globales à mettre en place, avec des leviers au niveau local, régional, national et international. Il ne faut pas oublier non plus oublier la promotion de l’accès à l’activité physique ».
Le rapport GNR souligne qu’au niveau mondial, les populations ne consomment pas les quantités nécessaires d’aliments bénéfiques pour la santé. Pour autant, les problématiques ne sont pas les mêmes selon les régions du monde. Les pays à revenus plus élevés sont ceux qui mangent le plus de la viande rouge, des produits laitiers et des boissons sucrées. Ce sont dans ces même pays que l’on retrouve les taux les plus élevés de personnes en surpoids. De leur côté, les pays à faibles revenus ont la plus faible consommation de fruits et légumes selon le GNR. « Nos résultats mondiaux montrent que notre alimentation ne s’est pas améliorée au cours des dix dernières années et constitue désormais une menace majeure pour la santé des gens et pour la planète », a ajouté Renata Micha auprès de l’AFP.
Impact social et environnemental
L’ensemble de nos pratiques alimentaires, et autres importations, exportations, et usines de transformations ont un impact sur l’environnement. Ainsi, le GNR a calculé que la demande alimentaire mondiale avait généré 35% des émissions de gaz à effet de serre en 2018. Pour la présidente de la Société française de Nutrition, « Nous ne sommes pas tous d’accord sur la façon de calculer l’empreinte écologique de notre alimentation, de la production à la consommation. Mais en ce qui concerne l’impact économique de la malnutrition, cela se chiffre en milliards pour nos sociétés, du fait de la prise en charge des pathologies associées ».
La consommation de viande est également l’une des responsables de ces émissions de gaz à effet de serre. Les aliments d’origine animale ont généralement une empreinte environnementale par produit plus élevée que les aliments d’origine végétale souligne le rapport. « On sait que l’on a besoin de manger des protéines de sources très variées. Ce qui veut dire que la viande n’est pas obligatoirement le seul aliment pourvoyeur de protéines. On peut manger beaucoup moins de viande et donner plus de place aux légumineuses ou céréales », rappelle Béatrice Morio-Liondore.
Pourtant, la consommation de viande a augmenté de 2,3% par an ces dix dernières années selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Il y a la représentation, l’histoire, la culture, la symbolique, et de l’autre côté il y a le pouvoir d’achat, l’accessibilité. Tout ça interagit, et fait qu’on a un phénomène de masse, puisque des populations entières vont, sans se concerter, aller dans le même sens. La mondialisation y participe en grande partie. Elle uniformise les symboles, les visions, les pratiques alimentaires », souligne la présidente. Selon elle, « Nous venons tous de vivre une pandémie qui a totalement chamboulé notre rapport à l’alimentation. Pour certains l’accès à l’alimentation a pu être restreint. Dans de nombreux pays les personnes ont pu faire part d’une modification profonde de leurs habitudes d’alimentation et d’activité physique. C’est en grande partie pour ça, je pense, qu’il sera difficile d’atteindre les objectifs 2025 ».
Ouns Hamdi