L’artificialisation résulte de l’urbanisation et de l’expansion des infrastructures. Gagnées sur des espaces naturels ou cultivés, ces surfaces artificielles regroupent l’habitat et les espaces verts associés, les zones industrielles et commerciales, les équipements sportifs ou de loisirs, ou encore les routes et parkings. Le processus d’artificialisation est le plus souvent irréversible.
L’artificialisation, c’est un changement complet et souvent irréversible de l’usage des sols. La France, très touchée par ce phénomène, fait face à deux enjeux existentiels : la perte de capacité agricole et la perte de biodiversité.
La disparition des champs entraîne la diminution des capacités du pays à subvenir à ses besoins alimentaires. C’est une perte d’autonomie considérable et paradoxale car qui dit « augmentation de population » dit « augmentation des besoins alimentaires ».
Le deuxième enjeu, c’est la variété des espèces, le patrimoine génétique de la planète. L’Homme ne prend pas assez en considération les services que lui rend la nature. La terre et les océans produisent sa nourriture, le sous-sol renferme la quasi totalité des ressources énergétiques et des minerais dont l’humanité dépend. Enfin, le système climatique et le cycle de l’eau, sensibles aux pollutions, sont essentiels à toute forme de vie.
Pour freiner l’artificialisation, il est urgent de modifier la vision que l’Homme a de la terre, créditée trop souvent d’une simple valeur foncière. Cela se traduit actuellement par des lois qui légalisent et systématisent l’étalement urbain.
Comment suivre l’artificialisation des sols ?
Il existe, en France, deux outils d’observation de l’occupation du sol permettant de mesurer l’évolution des surfaces artificialisées : l’outil européen Corine Land Cover (créé en 1990) utilisé par le ministère de l’Écologie et Teruti-Lucas (créé en 1993) utilisé par le ministère de l’Agriculture. Ces deux systèmes ne mesurent pas l’usage des sols de la même manière. Corine Land Cover se sert d’images satellite sur l’ensemble du territoire alors que Teruti-Lucas, plus précis, procède par observations autour de points de repère quadrillant le territoire.
Selon Corine Land Cover, entre 1990 et 2006, la part des surfaces artificialisées sur le territoire métropolitain passe de 4,6 % à 5,1 %, ce qui correspond à une perte de 281 354 ha en 16 ans dont 122 949 ha sur la période 2000-2006. Les surfaces artificialisées sont plus élevées selon Teruti-Lucas. Elles représentent 7 % de la surface métropolitaine en 1993 et 9,4 % en 2008.
D’après le ministère de l’Environnement, les espaces agricoles et naturels perdent actuellement 236 hectares par jour, ce qui correspond à la superficie d’un département français moyen (610 000 hectares) tous les sept ans. Résultat en deçà de la réalité, puisque le ministère de l’Environnement utilise Corine Land Cover, qui ne considère pas les zones industrielles et commerciales comme du tissu urbain.
À titre de comparaison, l’avancée moyenne des sols artificialisés sur la période 1992-2003 mesurée par l’enquête Teruti était déjà de 61 000 hectares par an, soit un département tous les dix ans. L’artificialisation s’accélère. La France a ainsi perdu 7 million d’hectares de terres agricoles en 50 ans et 900 000 hectares de prairies entre 1992 et 2003 (7 % de leur superficie).
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Le béton, toujours plus vite et plus loin
En 2009, les terres agricoles représentaient encore 54 % du territoire et les forêts 24 %. Mais l’artificialisation était déjà passée de 4,8 % du territoire en 2000, à 9 % en 2010, presque le double. D’après le Commissariat général au développement durable (chargé d’interférer auprès des ministères pour promouvoir une meilleure intégration de l’environnement dans leurs propres politiques et projets), les espaces artificialisés ont augmenté d’environ 3% entre 2000 et 2006 en France, soit 820 km2. L’artificialisation s’est faite alors à 90 % aux dépens des terres agricoles.
La réalité est toutefois plus inquiétante que ne le laissent paraître les chiffres car l’artificialisation est très dispersée. L’espace urbain global est donc bien plus important, c’est le mitage.
Comme l’indiquent les chiffres précités, la course au béton s’est emballée dans la deuxième moitié de la décennie. Selon Agreste Primeur n°260, outil de statistique, évaluation et prospective agricole du ministère de l’Agriculture basé sur Teruti-Lucas, les surfaces agricoles ont diminué de 82 000 hectares par an entre 2006 et 2010, quand les sols artificialisés ont progressé de 79 000 hectares par an. La différence de 3 000 hectares tient à la progression des sols naturels. Plus que le bâti, précise Agreste, ce sont surtout les sols revêtus ou stabilisés et les sols enherbés artificialisés qui grignotent les sols agricoles. Verdure ne rime pas avec nature.
Les sols boisés ne sont pas non plus épargnés. Ils couvraient 17 millions d’hectares en 2009, soit près de 31 % du territoire métropolitain (14,9 millions d’hectares de forêts et 2,1 millions d’hectares d’autres sols boisés). Selon l’étude, la forêt française ne perd pas de terrain mais n’en gagne plus : la surface des forêts (y compris les peupleraies) se stabilise, mais les formations boisées non forestières, bosquets et haies, se réduisent certes faiblement mais significativement.
Un constat alarmant que partage, en France, la Fédération nationale des SAFER (Sociétés d’Aménagement foncier et d’établissement rural). Dans un volet de son étude annuelle sur le marché foncier rural, elle constate une progression constante de l’artificialisation des sols de l’hexagone. L’urbanisation est passée de 54 000 ha par an dans les années 80, à 61 000 ha dans les années 90 et a atteint 74 000 ha par an entre 2006 et 2008.
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Des solutions concrètes
Une étude française, parue dans la revue Nature Climate Change et réalisée par l’économiste Stéphane Hallegatte et le spécialiste du climat Vincent Viguié, du Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) a modélisé un urbanisme plus vert de la région parisienne. L’enjeu est de taille, comme l’explique M. Hallegatte cité par l’AFP, « en l’absence d’action spécifique, l’étalement urbain va se prolonger et on aura en 2030 encore plus de zones à basse densité de population qui dépendent de l’automobile« . Mais la solution est relativement simple selon lui. Il suffirait « d’interdire toute nouvelle construction au-delà des limites de l’agglomération« . Pour éviter une pénurie de logement, tout en préservant l’environnement, les chercheurs proposent la mise en place simultanée de trois mesures :
- Interdire les constructions au-delà des limites actuelles de l’agglomération parisienne pour créer une « ceinture verte »
- Développer les transports en commun avec un tarif unique de 14 euros par mois
- Interdire les constructions en zone inondable, des inondations plus fréquentes étant attendues avec le réchauffement.
Les solutions proposées devaient garantir quatre critères : permettre un accès au logement, réduire les gaz à effet de serre, réduire les risques naturels et lutter contre l’étalement urbain. L’application simultanée des trois mesures est capitale car « chacune des politiques compense les problèmes créés par les deux autres », précise Vincent Viguié. L’étude suggère un besoin de cohérence globale des décisions en intégrant l’environnement dans les politiques traditionnelles, de transport et de logement par exemple. Avec ces travaux, « on veut montrer que faire de l’environnement n’est pas forcément contradictoire avec l’accès au logement ou la qualité de vie », conclut l’économiste Stéphane Hallegatte.
Auteur : Christofer Jauneau, contribution volontaire
Excellent article, clair, détaillé et approfondi…
Proposerais 2 rectifications: 1. Dans le premier paragraphe: … la vision que l’Homme a de la terre… 2. Dans le troisième: … se réduisent certes faiblement mais significativement…
Avec les félicitations du jury!… Bisous, Robert
Merci pour ces remarques pertinentes, les changements sont effectifs !
bravo pour l’article. Il est super.
Interdire, réglementer, on voit bien le manies des « écolos » staliniens.