Peu de médias s’intéressent à la question de l’aquaculture bio ? Natura Sciences remédie à ce laxisme ! Découvrez dans cet article les règles, les avantages et les zones d’ombres de ce type d’élevage !
Le nouveau règlement bio européen entré en vigueur en 2009 détermine les règles de production des animaux d’aquaculture bio ainsi que des algues marines. Il faut bien comprendre que les animaux issus de la pêche d’espèces sauvages ne peuvent jamais provenir de la filière biologique car on ignore ce qu’a mangé le poisson sauvage. Il peut être « propre » ou « pollué », selon les rivières ou les mers où il évolue. Pour tous les « fruits de mer » qui filtrent l’eau, le règlement insiste sur la qualité de l’eau et la préservation des sites de production en instaurant une gestion durable. Destiné à remplacer peu à peu le règlement français, il sera totalement effectif en juillet 2013. L’aquaculture bio est encore une très rare exception. Moins de 1 % de la production mondiale de poisson provient de l’aquaculture biologique, bien que la demande et l’offre se développent dans de nombreux pays.
Des règles bien précises en aquaculture bio…
L’objectif de cette production biologique pourrait se résumer ainsi : « produire des aliments sains et de qualité en limitant le plus possible les impacts sur le milieu aquatique et en respectant le bien-être animal ». L’intérêt est d’éviter d’obtenir des poissons contaminés par des micropolluants. Pour arriver à ces fins, le règlement encadre drastiquement les pratiques d’élevage, les règles ayant trait à l’alimentation et aux médicaments ainsi que l’origine des animaux. Il limite également la densité de poissons par mètre cube d’eau. Celle-ci dépend évidemment des espèces et de la taille des poissons adultes, mais garantit que les animaux ne vivent pas les uns sur les autres. Par exemple, la densité est limitée à 25 kg/m3 de truites bio, à opposer aux 100 kg/m3 en conventionnel.
Cela permet d’interdire les antibiotiques et les antidépresseurs, alors qu’ils sont obligatoires en aquaculture conventionnelle pour contrer la propagation des maladies et le stress dû à la promiscuité. Sont tout de même autorisés un traitement allopathique de synthèse par an et un traitement antiparasitaire pour 18 mois pour les cycles courts et deux traitements allopathiques par an et un traitement antiparasitaire par an pour les cycles longs.
Les pesticides et herbicides de synthèse sont interdits. En bio, l’eau doit être assez oxygénée, mais suroxygéner le milieu pour accélérer la croissance des poissons est interdit. Le recours à l’oxygène liquide est proscrit et l’oxygénation mécanique n’est autorisée que dans certains cas temporaires bien précis. Une température, un pH et un éclairage correspondant aux besoins des animaux sont requis. Enfin, les piscicultures doivent prendre en compte la capacité auto-épuratrice du milieu et prévoir une gestion des effluents d’élevage. Elles doivent être installées dans des endroits faiblement exposés aux risques de pollution dues aux activités urbaines. Les espèces utilisées ne doivent pas affecter les stocks sauvages en cas de fuite.
Que mangent les poissons en aquaculture bio ?
Le fait d’utiliser ces poissons pour nourrir les poissons carnivores renforce les inégalités. Le saumon, même produit à très bas prix, reste inaccessible aux plus pauvres. En revanche, ils pourraient s’offrir les sardines qui ont servi à nourrir ces mêmes saumons. En imposant 30 % de protéines végétales et en respectant en théorie des quotas, l’aquaculture biologique diminue cet effet par rapport à l’aquaculture traditionnelle. Un maximum de 60 % de produits végétaux est accepté dans la ration pour les animaux carnivores. Les farines animales d’origine terrestre bio ou non bio, les OGM et l’addition dans les aliments de stimulateurs de croissance, d’additifs médicamenteux, de colorants chimiques de synthèses, de stimulateurs d’appétit ou de toute hormone de synthèses sont interdits.
La recherche se poursuit pour intégrer davantage d’huiles végétales dans l’alimentation des poissons d’élevage. En France, l’IFREMER et l’INRA sont les principaux organismes de recherche qui testent de nouvelles techniques ou pratiques de production. Leurs investigations s’orientent sur les techniques de pêche, la valorisation des effluents et l’utilisation des eaux pour l’irrigation. Ils réalisent également des recensements, des modélisations, ainsi que des prédictions des stocks.
Le cas particulier de la crevette bio
Très recherchée, la crevette bio ne représente que 0,25 % de la production mondiale. Elle vient principalement d’Équateur et de Madagascar. Déforestation des mangroves, violation des droits humains, accaparement des zones de pêche et appauvrissement des communautés villageoises sont quelques-unes des conclusions du rapport de la Société suédoise pour la conservation de la nature (SSCN) paru en octobre 2011. [1]D’après les rapporteurs, la crevette biologique est un leurre et ils font une recommandation simple que celle-ci soit bio ou conventionnelle : « n’en mangez pas ! ».
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com
Référence
[1] Eaux troubles – Les impacts environnementaux et sociaux de l’élevage de crevettes au Bengladesh et en Equateur